La médiation en santé peut-elle révolutionner l'accès aux soins ? Pour les pionniers du secteur, il n’y a aucun doute : cette démarche proactive permet de réduire les inégalités sociales de santé et de favoriser le lien avec les publics éloignés en les remettant sur les rails de la santé.
De fait, les causes du renoncement aux soins (ou de l’exclusion complète du système) sont nombreuses, des délais d’attente aux restes à charge, de l’éloignement géographique à la barrière de la langue, de la fracture numérique à l’isolement social. Le médiateur de santé peut jouer un rôle crucial d’intermédiaire pour créer des ponts et du lien.
Lauréate du Prix de la Fondation MNH, qui récompense un professionnel hospitalier œuvrant pour un meilleur accès à la santé des personnes éloignées du soin, Maryline Berthaux, médiatrice en santé au sein du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat (AP-HP), a précisé sa mission. « J’accompagne des femmes migrantes qui ont vécu des violences sexuelles, notamment lors de leur parcours d’exil. Je les informe sur leurs droits mais aussi sur la prévention et l’accès aux soins, avec l’objectif de les autonomiser. Après avoir sécurisé un lien de confiance, je deviens leur interlocutrice privilégiée dans ce lieu ressource qu’est l’hôpital ». Parmi les principes qui guident son action : « l’aller vers », le « faire avec », mais aussi la sensibilisation des hospitaliers et des institutions aux obstacles parfois insurmontables que rencontrent certains publics dans l’accès à la santé.
Également lauréat (du prix d’honneur 2024 de la Fondation MNH), le Pr Olivier Bouchaud, chef de service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Avicenne (Bobigny, AP-HP), insiste sur le lien de confiance à créer avec les personnes vulnérables, « élément indispensable pour identifier les obstacles et les contourner ». Il met avant l’importance de « se donner du temps », à l’heure où les blouses blanches en manquent considérablement.
Un impact favorable sur les pratiques mais…
Si cette approche holistique apporte un soutien évident aux personnes vulnérables, elle présente aussi des avantages moins connus pour les professionnels de santé, comme l’a démontré la recherche-action commentée par Salomé Boscher, médiatrice en santé au sein du dispositif Parcours à l’hôpital Avicenne**. Les bénéfices sont d’ordre à la fois organisationnel - gain de temps et d’énergie, soutien en matière de coordination, de veille et d’alerte – mais aussi humain – renforcement des liens, y compris entre soignants, soutien émotionnel et sécurisation dans les pratiques. La démarche permet aussi un ancrage dans des réalités extra-hospitalières, par exemple lorsqu’il s’agit de chercher un lieu d’hébergement pour une patiente sans abri.
Créé en 2022, le collectif pour la promotion de la médiation en santé (CPMS), déjà riche de 120 membres, porte un plaidoyer pour valoriser et sécuriser ce cadre de la médiation. Sa coordinatrice Anaïs Saint-Gal défend la création d’un « référentiel métier », le développement de formations initiale et continue, le renforcement des liens avec les partenaires extérieurs et le financement de la médiation en santé pour accélérer son déploiement. Dans la même veine, Émilie Henry, personne qualifiée au sein de la mission interministérielle sur la médiation en santé, propose d’inscrire le métier de médiateur en santé dans le Code de la santé publique et de proposer des voies d’accès et de formation inclusives. Et ce d’autant que s’exprime un intérêt croissant pour cette démarche « au-delà de l’infectiologie, de la part des services de diabétologie, de psychiatrie ou encore de gériatrie ».
… des obstacles
Directeur des hôpitaux Bichat et Beaujon, Grégory Vial ne sous-estime pas les freins. « L’enjeu est d’aller au bout de la preuve de concept pour améliorer le lien avec des professionnels qui estiment remplir déjà les missions dont nous parlons. Quant au financement de la médiation, nous en sommes à la phase d’amorçage. L’appel à projets “redonner du temps aux soignants” est une piste », a-t-il exprimé.
Au ministère de la Santé, Mickaël Benzaqui, sous-directeur de l’accès aux soins et du premier recours au sein de la DGOS, a détaillé l’expérimentation des structures d’exercice coordonné participatives, dans le cadre de l’article 51, qui valorise les activités des médiateurs en santé. « L’expérimentation prendra fin en avril 2025 et les retours d’évaluation intermédiaire sont positifs. Plus complexe est la modélisation des financements, même si ces derniers prennent plus en considération les modèles populationnels, et donc la part de personnes en situation de précarité accompagnées à l’hôpital ou en ville ».
Les lignes bougent. Directrice générale adjointe de l’ARS Île-de-France, Sophie Martinon marque la volonté de l’agence de « multiplier par cinq le nombre de médiateurs d’ici à 2028 et d’encourager la mise en place de services de médiation au sein des établissements de santé. Nous recourrons aussi à ces professionnels pour améliorer les pratiques de prise en charge en périnatalité », a-t-elle promis. Convaincu, Nicolas Revel, DG du CHU francilien, a regretté l’absence de modèle national, tout en appelant « à investir sur des professionnels formés et compétents. N’oublions pas que le vrai modèle économique est celui qui donne à l’hôpital les moyens de bien soigner ».
*La MNH est actionnaire du Quotidien
** « Évaluation de l’apport de la médiation en santé pour les professionnels de santé de Bichat et d’Avicenne dans l’accompagnement à l’hôpital des femmes migrantes ayant vécu des violences sexuelles ».
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