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Dossier

JO 2024 : le système de santé dans les starting-blocks

Par Arnaud Janin et Loan Tranthimy - Publié le 12/05/2024
JO 2024 : le système de santé dans les starting-blocks

Installations au Trocadéro
Sipa

Lits supplémentaires, hôpitaux référents, renfort de libéraux, unité mobile, clinique des athlètes… Le système de santé francilien a été renforcé pour recevoir les JO. Suffisant ?

Branle-bas de combat ! À Paris comme dans les départements franciliens, le système de soins se prépare depuis des mois à accueillir l’événement exceptionnel des Jeux olympiques et paralympiques, avec une sérénité teintée d’inquiétude. Comment prendre en charge 15 millions de visiteurs cumulés et autant de patients potentiels dans cette région qui regroupera 80 % des 40 sites de compétition ? Le défi est colossal, avec aussi 15 000 athlètes, 12 000 journalistes et techniciens accrédités, 45 000 volontaires…

Devant la commission des affaires sociales du Sénat, les directions du ministère de la Santé (DSS, DGOS) mais aussi l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont détaillé l’organisation sanitaire pour tenir le choc, faire face aux risques épidémiques, sécuritaires (mouvements de foule, actes terroristes) ou caniculaires, sans compter la hausse des cas de Covid qui pourrait jouer les trouble-fête.

Soins non programmés : seulement 5 % de hausse ?

La hausse des soins non programmés a été estimée à « 5 % » par rapport à un été normal. Dans certaines filières spécifiques à risques (santé mentale, périnatalité), les préoccupations concernent plutôt la mobilité et l’accès aux structures de soins.

La première étape concerne donc le renforcement du capacitaire hospitalier. Près de « 1 300 lits supplémentaires par semaine » devraient être disponibles par rapport à l’été 2023 en médecine (+ 800 lits), gériatrie (+ 300 lits), soins critiques (+ 176), obstétrique (+ 12), détaille l'ARS. Plus spécifiquement, « 750 lits supplémentaires » MCO seront ouverts dans les établissements aux abords des épreuves, au sein des hôpitaux du CHU francilien mais aussi dans 12 établissements hors AP-HP, privés lucratifs et non lucratifs. Le Pr Frédéric Adnet, à la tête du Samu 75 et responsable de la couverture médicale préhospitalière des JO, en est convaincu : « Ce qu’on a dimensionné répond aux objectifs. La gestion sanitaire des grands événements sportifs est notre métier, avec cette particularité des JO qui en concentre plusieurs sur une très courte durée. »

Le retex des JO de Londres 2012 a démontré que le système de santé est en réalité peu impacté, sauf catastrophe. Pourquoi ? Selon le Pr Adnet, les millions de spectateurs/visiteurs seront principalement « jeunes, en bonne santé et aisés financièrement » et ils remplaceront une partie des patients franciliens habituels « plus âgés et morbides » qui, eux, déserteront la capitale. Bref, les organisateurs ne s’attendent pas à un débordement, se contentant « d’adapter sans surdimensionner ».

La planification territoriale est la deuxième priorité. Outre la polyclinique éphémère de Saint-Ouen au cœur du village olympique (lire page 11), trois établissements de référence ont été désignés : l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) gérera les officiels des délégations olympiques, Bichat épaulera les athlètes et Avicenne les médias. « À partir des expériences précédentes, nous nous situons sur des flux de patients très faibles », assure la Pr Catherine Paugam-Burtz, DG adjointe de l’AP-HP. L’enjeu a été de calibrer l’offre hospitalière pour couvrir les besoins d’un été normal et ceux d’une surcharge liée aux JO, qui reste hypothétique. « Éviter la saturation de notre système de santé n’a rien d’aisé, quatre ans après le choc de l’épidémie de Covid », avance tout de même le président de la commission des affaires sociales du Sénat, Philippe Mouiller (LR).

Lignes de Smur supplémentaires, SAS opérationnels

Le « pré-hospitalier » francilien a été renforcé. Seize lignes de Smur supplémentaires sont prévues – dont deux hélicoptères médicalisés – quatre autres viendront en renfort, gérées par des équipes non franciliennes. De plus, 13 lignes supplémentaires de régulation médicale seront mises en œuvre dans les centres dédiés ou sur les sites de compétition. « L’essentiel de l’effort est centré sur les hospitaliers », confirme Sophie Martinon, DG adjointe de l'ARS d’Île-de-France.

Côté médecine de ville, l’ARS a contractualisé avec six centres médicaux parisiens (et un en Seine-Saint-Denis), ouverts durant de larges plages horaires pour renforcer l’offre de soins non programmés. Le dispositif s’appuie sur les huit services d’accès aux soins (SAS) opérationnels en Île-de-France. Des médecins libéraux viendront renforcer la régulation. De surcroît, des maisons médicales de garde comme celle de Suresnes ou de Paris 14e bénéficieront d’un renforcement des équipes. Les 900 pharmacies parisiennes devraient jouer « un rôle clé » dans l’orientation des patients, grâce à des aides et guides pour les patients étrangers (lire aussi page 12).

Congés décalés et primes

Pour recruter pendant cette période à risques, l’AP-HP mise sur plusieurs leviers incitatifs : temps de travail additionnel, heures sup’, sujétions de nuit, augmentation du plafond des comptes épargne temps de dix jours en 2024. Une indemnité compensatoire a été actée pour les blouses blanches qui renoncent à leurs trois semaines de congé consécutives dans le délai imparti des JO. Ces moyens permettront-ils d’avoir davantage de médecins volontaires ? La sénatrice Corinne Imbert (LR) a émis quelques doutes lors des auditions. « Le volume horaire disponible sera bien à la hausse, confirme l’ARS. Il s’agira surtout de médecins exerçant en Île-de-France qui ont accepté de décaler un peu leurs congés ou de faire des heures supplémentaires ».

La mobilité des professionnels de santé reste « le » sujet d’inquiétude pour les élus, alors que les capacités de circulation vont être entravées. Si les véhicules d’urgence (ambulances, Samu, SOS médecins, greffe d’organes, etc.) seront autorisés à circuler librement, les libéraux qui effectuent des visites, pourraient rencontrer des difficultés au regard des restrictions en vigueur (QR code, périmètre, etc.). L’accès aux soins de patients dialysés ou cancéreux demeure une autre source d’inquiétude. Des associations comme Renaloo craignent des trous dans la raquette pour accéder aux centres de dialyse en plein Paris, notamment en zone rouge. Le défi des Jeux olympiques et paralympiques sera aussi sanitaire.

À lire aussi sur le lequotidiendumedecin.fr – À l’approche des JO, le Samu 92 de l’AP-HP équipe l’unité mobile hospitalière (UMH) EVACARe. Cet autocar permet la prise en charge et le transport de quatre à huit patients de réanimation, en totale autonomie, pendant plus de 12 heures, sur plus de 1 000 km.