Le plan Philippe/Buzyn présenté ce mercredi pour répondre au malaise de l'hôpital public suffira-t-il à éteindre la crise ? C'est peu probable. Aussitôt annoncées, les 14 mesures du gouvernement ont trouvé, parmi les représentants du secteur, davantage d'opposants que de soutiens.
Les fédérations hospitalières saluent...
Certes, il y a ceux comme Frédéric Valletoux, qui applaudissent des deux mains les arbitrages du gouvernement, « un plan de sauvetage qui va permettre à l’hôpital public de sortir la tête de l’eau ». « On a eu des réponses concrètes, massives et suffisantes pour redonner de la confiance aux hospitaliers », veut croire le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Un événement historique à ses yeux : « C'est la première fois qu'un gouvernement s'engage sur trois ans avec des moyens nouveaux pour venir abonder de manière supplémentaire le financement de l'hôpital. » La FHF sera « vigilante » quant à l’application de ces mesures, notamment sur la reprise partielle de la dette des hôpitaux qui devra reposer sur des critères objectifs.
Son homologue du côté des cliniques privées (FHP) Lamine Gharbi estime que le gouvernement « a pris la mesure de la situation des établissements de santé » en consentant à ce « réel effort », même si l'évolution des tarifs pour 2020, annoncée à 0,2 %, reste « très inférieure à l'inflation ».
Relais du chantier à l'Assemblée, le député Olivier Véran (LREM) salue un « effort sans précédent ». Un effort qui « se compte en milliards d'euros » et qui va permettre de « rouvrir des lits là où c'est nécessaire, d'embaucher du personnel, de favoriser l'attractivité des carrières et d'investir pour moderniser », s'enthousiasme le neurologue. Chaussant sa casquette de rapporteur général de la commission des Affaires sociales, l'élu isérois a déjà demandé au gouvernement de déposer « au moins un amendement sur le financement de l'hôpital » (l'ONDAM hospitalier) avant l'examen du texte en deuxième lecture qui avait lieu dans la soirée.
... mais les soignants grognent
Le plan élaboré entre Matignon, Ségur et Bercy provoque surtout un cortège de mécontents. A commencer par huit syndicats de praticiens hospitaliers et de jeunes médecins (les centrales SNAM-HP, APH, CMH, INPH, CPH, Jeunes Médecins, ISNI, Avenir Jeunes Pharmaciens Hospitaliers), qui expriment leur déception dans un communiqué commun vindicatif. Ils dénoncent « l’insuffisance totale des moyens annoncés, très en deça des besoins vitaux nécessaires ne serait-ce que pour maintenir le fonctionnement actuel ». « La montagne a accouché d’une souris ! Les hôpitaux vont continuer à se serrer la ceinture ! », jettent-ils.
Ils jugent que « les personnels médicaux hospitaliers sont les grands oubliés de ce plan », de même que les internes. « Faute d’avancée […] et d’ouverture immédiate de négociations salariales, les organisations syndicales de praticiens hospitaliers, de jeunes médecins et pharmaciens et d’internes appellent tous leurs mandants à se tenir prêts à une nouvelle mobilisation dans les jours à venir», menacent-ils.
« Le mouvement continue, il va falloir qu'on affine nos actions », prévient le Pr Antoine Pelissolo, homme fort du collectif inter-hôpitaux. Interrogé par l'AFP, le psychiatre dénonce un « saupoudrage de mesures qui répondent à certains besoins mais sont loin de ce qui est nécessaire ».
Sentiment d'injustice
Côté personnels non-médicaux, Hugo Huon, infirmier et président du collectif inter-urgences, estime que le « sentiment d'injustice » prévaut. Injustice catégorielle d'abord puisqu'à côté des « mesures favorables accordées aux médicaux », le gouvernement « n'a pas voulu toucher au point d'indice des paramédicaux », revendication phare de grévistes qui réclament une augmentation nette de 300 euros par mois.
Injustice territoriale ensuite avec des primes qui oublient la province au profit de l'Île-de-France. « L'abattement sera de courte durée car il y a toujours une grande colère », met en garde l'infirmier de Lariboisière, qui sera dans la rue le 30 novembre, date de la prochaine manifestation nationale pour « sauver l'hôpital ». Comme 12 autres organisations syndicales de personnels soignants*, il considère que le Premier ministre n'a pas répondu à la « gravité » de la situation.
Sur les bancs du palais Bourbon enfin, l'opposition voit dans ce plan une réponse incapable de régler la crise. « C'est un effort, évidemment, mais en aucun cas ça ne peut être considéré comme de nature à calmer le mouvement tel qu'il est amorcé », juge Jean-Carles Grelier, député Les Républicains. À gauche, le député socialiste Guillaume Garot partage l'analyse. « Le gouvernement va dans le bon sens en reprenant la dette mais ne va pas suffisamment loin dans la reconnaissance de l'engagement quotidien des soignants ».
* inter-blocs, inter-urgences, inter-hôpitaux, printemps de la Psychiatrie, coordination nationale des comités de défense des maternités et des hôpitaux de proximité, AMUH, APH, CFE-CGC, CFTC, CFDT, CGT, SUD, UNSA
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