Au terme du Ségur de la santé, trois accords sur le volet des carrières et des rémunérations ont été officiellement présentés ce lundi 13 juillet à Matignon, avec les organisations syndicales hospitalières – personnels de la fonction publique hospitalière d'une part et médecins d'autre part – et les internes.
« Pacte renouvelé entre la nation et ses soignants », ces accords qualifiés « d'historiques et de majoritaires » par Matignon se chiffrent à « un peu plus de 8 milliards d'euros par an » dès 2021 et concerneront près de deux millions de personnes dans les établissements de santé et en EHPAD.
« C'est une reconnaissance considérable envers ceux qui ont été en première ligne dans la lutte contre l'épidémie (...), à ces femmes et ces hommes attachés au service public de la santé – du non lucratif au privé – qui fait la force de notre pays, a souligné le premier ministre Jean Castex, prônant les vertus du dialogue social, de la négociation et de la concertation. C'est aussi une forme de rattrapage par rapport aux années de retard que nous avions pris. » Hausse des salaires, primes et indemnités, voici les principaux points de ces « accords » financiers, qui seront complétés par des décisions sur le système de santé « dans les jours qui viennent ».
7,6 milliards/an pour la fonction publique hospitalière
Les personnels paramédicaux (infirmiers, aides-soignants, kinés) et non médicaux (techniciens, brancardiers, agents administratifs…) bénéficieront d'une enveloppe de 7,6 milliards d'euros principalement pour « revaloriser les métiers du service public de santé ».
Signé par FO, l'UNSA et la CFDT, le compromis se traduit par une hausse générale de salaire de 183 euros net par mois pour tous les professionnels non médicaux au sein des établissements publics et privés non lucratifs (hôpitaux et EHPAD) et de 160 euros net pour le privé lucratif (selon des modalités à définir). Une première moitié d'augmentation de 90 euros sera versée en janvier 2021 (avec un effet rétroactif au 1er septembre) et sera complétée en mars 2021 par une seconde tranche de 93 euros.
Cette augmentation socle sera complétée par une revalorisation des grilles de rémunération des personnels au contact des patients (aides-soignants, infirmiers, filières rééducation et médicotechnique), qui aboutira à 35 euros net supplémentaires par mois en moyenne. « Tous les professionnels paramédicaux dans les établissements de santé et les EHPAD gagneront ainsi plus de 200 euros net par mois », assure le ministère de la Santé. Cela concerne notamment 400 000 aides-soignantes et 380 000 infirmières.
Autre acquis : la hausse de la prime d'engagement collectif portée à 100 euros net par mois pour renforcer les projets d'équipe d'amélioration de la qualité des soins et valoriser l'engagement collectif. Dans la même veine, l'accord prévoit d'assouplir les organisations du temps de travail (accords locaux, projets pilotes) avec la possibilité de contractualiser un forfait d'heures supplémentaires (5 heures par semaine bonifiées à hauteur de 50 %).
Autre engagement : « 15 000 recrutements » (7 000 postes vacants à pourvoir et 7 000 à 8 000 créations d'emplois). Un diagnostic doit être réalisé dans chaque hôpital sur la situation des effectifs.
Le ministère a présenté ce lundi plusieurs cas types : une infirmière en début de carrière passant de 1 656 euros à 2 253 euros net, un infirmier aux urgences évoluant de 2 145 euros à 2 362 euros ou encore un aide-soignant en EHPAD dont le salaire sera dopé de 1 677 à 1 895 euros.
Médecins hospitaliers : la fin de carrière privilégiée
Côté PH, un accord a 450 millions d'euros/an a été conclu avec trois des cinq organisations représentatives de médecins hospitaliers (CMH, INPH et SNAM-HP). Le ministère avance que cela permet de réévaluer les carrières et les rémunérations de 100 000 médecins hospitaliers, de créer une nouvelle politique de gestion des carrières et à développer « un lien fluide » entre ville et hôpital.
Comme prévu, la principale mesure de revalorisation concerne l'indemnité de service public exclusif (IESPE). Actuellement de 493 euros brut par mois (et 704 euros brut au-delà de 15 ans d'ancienneté), elle passera à 1 010 euros brut pour tous les praticiens qui travaillent exclusivement dans les hôpitaux publics. Là aussi, cette indemnité sera versée en deux temps – d'abord en septembre 2020 puis en mars 2021.
En parallèle, les trois premiers échelons de début de carrière sont supprimés – mesure déjà prévue dans le plan « Investir pour l'hôpital » – mais surtout trois échelons sont créés en fin de carrière pour « conserver les talents à l'hôpital public » : deux échelons de fin de grille de 5 000 euros et un dernier de 7 000 euros brut annuels (sur des durées de quatre ans).
Le texte inclut également des dispositions sur l'accès au développement professionnel continu des médecins, le statut (facilitant les exercices mixtes) et la reconnaissance d'activités non cliniques comme la recherche.
Précédé de négociations « toniques », cet accord au volet financier « considérable » a été salué par le ministre de la Santé Olivier Véran, conscient « qu'il ne réglerait pas tous les problèmes d'attractivité à l'hôpital ». De fait, plusieurs autres syndicats de PH ont refusé le texte, affichant leur déception.
Là aussi, quelques cas types ont été mis en avant : un jeune PH après deux ans d'assistanat passant de 3 600 euros à 4 705 net (grâce à la hausse de l'indemnité de service public exclusif) ; une PH avec 17 ans d'ancienneté dont le salaire évoluera de 5 670 euros à 5 926 euros net ; ou encore un chef de service ayant 30 ans de carrière qui sera payé 7 644 euros net (contre 6 872 euros).
Étudiants, internes : un deal à 200 millions/an
Les internes et les étudiants (des filières médicales et paramédicales) héritent d'une enveloppe proche de 200 millions d'euros pour revaloriser leurs émoluments et leurs indemnités.
En pratique, les quelque 30 000 internes bénéficient d'une enveloppe dédiée de 124 millions d'euros pour revaloriser leurs émoluments de base de 5 à 10 % selon les années – afin d'atteindre le seuil symbolique du SMIC horaire en fin d'internat – et revaloriser les gardes « de 25 % ».
Une enveloppe de 55 millions d'euros est débloquée pour les étudiants en médecine. Cela permet une hausse de leurs émoluments de base en 4e année (260 euros contre 130 euros actuellement), en 5e année (320 euros au lieu de 250 euros) et en 6e année (390 euros contre 280 euros). Est actée aussi la création d'une indemnité forfaitaire d'hébergement de 150 euros pour les stages en zone sous-dense.
Les étudiants des filières paramédicales bénéficieront de leur côté d'un coup de pouce afin d'harmoniser et revaloriser de 20 % leurs indemnités de stage.
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