Moyens « inédits », « considérables » : Emmanuel Macron, Jean Castex et Olivier Véran ont, chacun dans leur registre, mis en avant le caractère « historique » des accords du Ségur de la santé signés à Matignon.
De fait, l'enveloppe globale débloquée en sept semaines de tractations pour les hospitaliers (non médicaux, praticiens et jeunes) est exceptionnelle, après des années de sous-investissement et de blocage du point d'indice.
Pour l'exécutif, après plus d'un an de conflit des blouses blanches, la priorité absolue a été d'arracher un accord majoritaire (CFDT, FO, UNSA) au profit des paramédicaux et professionnels médico-techniques, ce qui a nécessité un investissement de 7,6 milliards d'euros. C'est Jean Castex en personne qui est venu annoncer l'ultime rallonge pour revaloriser les carrières de ces personnels de la fonction publique hospitalière dont 400 000 aides-soignantes et 380 000 infirmières. Au menu, une augmentation générale en deux temps − septembre 2020 puis mars 2021 − de 183 euros net mensuels pour les personnels au sein des hôpitaux et EHPAD publics et privés non lucratifs (et de 160 euros net dans les cliniques).
Couplée à d'autres coups de pouce (forfaits heures sup', intéressement collectif), l'augmentation atteindra plusieurs centaines d'euros. « Une infirmière dans un hôpital avec une pratique d'amélioration des soins et qui fait quelques heures supplémentaires pourra gagner parfois 400 euros net de plus par mois », a calculé Olivier Véran, vantant « la plus grosse augmentation de revenu jamais proposée dans ce pays ». Des promesses de recrutements – autour de 15 000 postes – complètent le tableau pour soutenir l'emploi hospitalier.
Des choix qui divisent les PH
Pour les médecins cette fois, un compromis majoritaire a été obtenu aux forceps sur 450 millions d'euros de revalorisations, grâce aux paraphes de la CMH, de l'INPH puis du SNAM-HP. Deux leviers ont été utilisés : l'augmentation de la prime réservée aux praticiens qui s'engagent à travailler exclusivement dans les hôpitaux publics (IESPE), à hauteur de 1 010 euros brut mensuels quelle que soit l'ancienneté ; et la révision des grilles salariales en 2021 avec des évolutions ciblées sur la fin de carrière (via la création de trois échelons majorés d'environ 400 euros brut mensuels pour les deux premiers et 600 euros pour le dernier).
« C'est la plus grande revalorisation depuis 20 ans », applaudit le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des PH (INPH) qui a vu passer quelques ministres de la Santé. La psychiatre nantaise salue « une première étape de refondation qui permet d'ouvrir différents chantiers ». De fait, plusieurs dispositions ayant trait à la formation continue, au statut ou à l'encadrement de l'intérim devront être concrétisées.
Quant aux jeunes, ils ont fait l'objet de négociations séparées, méthode qui a permis d'aboutir à des accords catégoriels autour de symboles forts : le « SMIC horaire » pour les internes (avec un deal à 124 millions qui prévoit aussi une revalorisation de 25 % des gardes) ; et pour les étudiants, la hausse des émoluments dont le doublement du salaire dès la quatrième année et une prime d'hébergement de 150 euros pour les stages en zone sous-dense.
Hémiplégique
Malgré l'ampleur des accords salariaux, ce Ségur laisse un goût amer. D'abord à cause de la méthode — cadence imposée par l'affichage politique du 14 juillet, annulation de réunions, convocation à la dernière minute — qui a exaspéré de nombreux leaders. Ensuite parce que le contenu, à ce stade, n'est pas à la hauteur de la réforme systémique espérée. Le gouvernement a presque tout misé sur les revalorisations, ce qui risque de créer de la frustration chez les soignants qui attendent aussi de la simplification concrète et de l'autonomie territoriale.
Enfin parce que certains arbitrages ne passent pas. Action praticiens hôpital (APH) et Jeunes Médecins qualifient le Ségur d'« erreur politique » et dénoncent un « simulacre de négo » ayant permis à l'État d'« économiser 180 millions d'euros par an sur le dos des médecins de garde ». Pour eux, les vrais sujets — le juste décompte du temps de travail et la permanence des soins — ont été éludés. Il ironisent sur la création d'échelons « juteux » de fin de carrière, un choix qui « sacrifie » les jeunes, les PH en milieu de carrière et les spécialités de garde. Les urgentistes de l'AMUF sont les plus sévères. « La montagne accouche d'une souris », cingle le syndicat du Dr Pelloux qui dénonce l'absence de revalorisation pour le temps de travail additionnel, « principal facteur de pénibilité à l'hôpital ».
Quant à la médecine de ville – qui n'a cessé de dénoncer un Ségur hospitalo-centré – elle devra attendre les négociations avec la CNAM pour mesurer l'ampleur de la reconnaissance de l'Etat.
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