C'est un des points chauds de l'examen par le Sénat du projet de loi sur le Covid qui a débuté ce mercredi en fin d'après-midi : les soignants non vaccinés pourront-ils à terme être réintégrés ? La veille en commission, une issue a été entrouverte en prévoyant que l'obligation soit suspendue dès lors qu'elle ne sera plus justifiée au vu de l'évolution de l'épidémie ou des « connaissances médicales et scientifiques ».
Une manière de trouver une porte de sortie alors que le ministre de la Santé attend pour la fin de la semaine l'avis de la HAS qu'il avait saisie sur cette question. Donc, si cette dernière devait dire « qu'il n'y a plus de justification sanitaire au maintien de l'obligation vaccinale, aussitôt cette obligation tombe » et les soignants non vaccinés seraient « réintégrés », a argumenté hier le sénateur LR Philippe Bas, rapporteur du texte au Sénat.
Cependant, le même jour, à l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé, interrogé lors des questions au gouvernement par le Dr Yannick Neuder, député LR de l’Isère, a mis en garde ceux pourraient prendre cette idée « pour une solution miracle pour résoudre les problèmes liés au manque de personnel ».
Situation paradoxale
Le député cardiologue affirmait que la suspension des soignants « repose sur des faits non scientifiques puisqu’on sait que le vaccin ne protège pas de la contamination » et a évoqué la « situation paradoxale » des professionnels suspendus, dans un contexte où on fait revenir dans les services hospitaliers « des personnes atteints de Covid, avec peu de symptômes ».
Sauf qu’hier aussi, l’Académie de médecine s’est fermement opposée à la réintégration des soignants suspendus. Les sages pensent que cela mettrait en péril les malades fragiles et « compromettrait le climat de confiance et la cohésion qui doivent exister entre ses membres et avec les malades ». L’Académie ajoute que la baisse d’efficacité des vaccins ne saurait justifier la réintégration des non-vaccinés, car ceux-ci « conservent une efficacité résiduelle contre la transmission » et restent « très efficaces » vis-à-vis des différents variants pour protéger contre les formes sévères de Covid-19.
Conseil scientifique « réservé »
Une position confortée aujourd'hui par le Conseil scientifique qui s’est également déclaré « réservé » sur une éventuelle réintégration des non-vaccinés. Dans son avis, il souligne que les chiffres de soignants suspendus « restent limités » : à peine 75 sur les 85 000 médecins et pharmaciens en exercice auraient été suspendus et 950 sur 240 000 pour les infirmiers. Leur réintégration n’aura donc « probablement pas d’impact sur l’amélioration de l’organisation hospitalière », mais pourrait, au contraire, « soulever des problèmes de rejet au sein des équipes ».
L'instance ajoute qu’un soignant doit « privilégier l’ensemble des gestes et procédures pour ne pas contaminer les patients souvent fragiles » et « limiter la survenue des clusters ». Sur le plan épidémiologique, elle rappelle que les personnes vaccinées et infectées par le variant Delta sont « porteuses d’une charge virale plus faible et moins durable que les non-vaccinés infectés ». L’apparition d’un nouveau variant « plus sévère » à l’automne imposerait également « un retour à une vaccination ciblée sur certaines populations ou certains métiers ».
Deux tribunes plaident pour une réintégration
Quelques voix s'étaient fait entendre, dans les derniers jours, en faveur de la réintégration. Dans une tribune publiée sur « Le Quotidien », le Pr Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay, estime que « rien n’atteste de l’efficacité de la mise à pied prolongée de professionnels dont la présence fait défaut dans des établissements ». Son de cloche similaire du côté des deux sociologues Frédéric Pierru et Ivan Sainsaulieu. Dans une tribune parue dans « Marianne », ils estiment qu'il faut « laisser respirer les soignants, leur faire confiance ». Selon ces chercheurs qui enquêtent actuellement sur les réticences ou les refus de vaccins chez les soignants, ces derniers n’auraient pas été convaincus par le vaccin à ARN messager, « présenté d’abord comme non obligatoire et comme solution magique à la pandémie, avant que ne soient imposées aux soignants une, puis deux, puis trois, bientôt, quatre doses ».
Des arguments peu audibles du côté du corps médical. Ainsi Gaétan Casanova, le président de l'Isni, s'est notamment offusqué sur Twitter.
La réintégration des soignants non vaccinés n'est pas une réponse au déficit de soignants. C'est un sujet de communication pour les extrêmes qui jouent avec la santé des Français. Ces soignants ont fait un choix, nous devons le respecter, ils doivent l'assumer. https://t.co/H4KSJZiHkR
— Gaetan Casanova (@CasanovaGaetan) July 20, 2022
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