« Certains patients ont passé neuf jours aux urgences » : au CHU de Limoges, service saturé et soignants débordés

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Publié le 27/09/2023
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Crédit photo : DR

Urgences « saturées », en « état de choc », soignants « désemparés », etc. Depuis quelques semaines, la presse régionale se fait l'écho de la dégradation des conditions de travail et de prise en charge aux urgences du CHU de Limoges.

Il y a deux semaines, Damien Maudet, député La France Insoumise (LFI) de la Haute-Vienne, confiait au Quotidien son inquiétude. « Il n’a qu’une quinzaine de boxes pour une cinquantaine de patients qui attendent. Dans les couloirs, il y a des recoins, alors, certains patients sont parfois oubliés, tellement on ne sait pas où donner de la tête ! » Le député est même à l’origine d’une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête pour « évaluer les pertes de chance pour les patients dues aux fermetures de services d'urgences et au manque de personnel »

Contacté par Le Quotidien, David Combeau, aide-soignant et secrétaire général CFDT au CHU de Limoges, ne dit pas autre chose. « Les patients restent régulièrement trois à quatre jours sur des brancards au sous-sol sans voir la lumière du jour. Certains ont même attendu neuf jours aux urgences ». Selon lui, les soignants sont tellement débordés que certains malades échapperaient à la vigilance des infirmiers. « Il nous arrive de retrouver des patients décédés sur des brancards car c’est quasi-impossible de surveiller tout le monde », confirme Thierry*, également aide-soignant, qui compare le service des urgences à une « cour des miracles ».

Dignité

Ce dernier déplore aussi les conditions d’hygiène. Les infirmiers font parfois « des sondages urinaires dans la pièce des utilités, là où on lave les bassins. Personnellement, je me verrais mal laver mes parents dans ce genre d’endroit, c’est aberrant ». Quant aux brancards, certains seraient « vétustes », « tachés de sang », leurs matelas « percés », si bien que « l’urine coule à travers », déplore Thierry qui pense que « l’on ne respecte plus la dignité des patients ».

Le CHU a reçu en février une certification hospitalière « sous conditions » de la part de la HAS, rapporte France 3 régions. Sur quatorze critères impératifs, deux n’ont pas été respectés. Notamment un indicateur concernant les urgences, où « les patients en attente d'hospitalisation sont parfois amenés à séjourner plusieurs jours sur des brancards dans les couloirs », pointait le rapport résumant la visite.

Des situations exceptionnelles, selon la direction

Contactée par Le Quotidien, la direction concède qu’il y avait « peut-être un peu plus de passages que d’habitude ce jour-là », plaide la Pr Muriel Mathonnet, présidente de la CME du CHU. Quant à la directrice générale, Pascale Mocaër, elle estime que la certification est devenue « de plus en plus exigeante ». « Nous travaillons au quotidien sur la qualité et la sécurité des soins », affirme-t-elle.

Les journées passées sur des brancards ? La directrice évoque des « situations exceptionnelles ». Certes, des patients « restent parfois trop longtemps dans l’attente d’un lit et les conditions de prise en charge ne sont pas optimales », concède Pascale Mocaër. Celle-ci invite à ne pas « se focaliser uniquement sur les urgences, car ce sont les difficultés de l’ensemble du système de santé qui s'y reflète ». À titre d’exemple, le CHU a « des difficultés à faire sortir les patients de l’hôpital vers des structures à domicile ou d’autres structures d’accueil. Parfois, les soins de suite et réadaptation sont saturés, on est en attente de places », explique la DG.

Locaux vétustes

Quant aux locaux, ils sont devenus « vétustes » et doivent faire l’objet de « travaux de restructuration, comme l’ensemble du bâtiment », plaide la directrice, qui mise sur ces chantiers pour « agrandir les locaux et améliorer les conditions d’accueil » aux urgences. Le bâtiment des urgences a été « construit au début des années 70, donc on doit faire avec la stagnation de patients sur les brancards », abonde la Pr Mathonnet qui souligne que « les urgences vitales sont priorisées et arrivent dans le bon secteur immédiatement ».

Le manque de personnel ? « Nous n’avons pas de postes vacants aux urgences, tous nos effectifs paramédicaux sont complets, insiste Pascale Mocaër. Dans l’ensemble, notre organisation fonctionne sans que l’on ait besoin d‘avoir recours à des intérimaires ». « On a parfois des difficultés pour recruter des infirmiers et des aides-soignants de nuit aux urgences. Mais ce sont des difficultés que l’on les retrouve au niveau national, quel que soit l’établissement », précise la Pr Mathonnet.

« Même problématique dans tous les CHU »

Joint également par Le Quotidien, le Dr Sylvain Palat, spécialiste de médecine interne au CHU de Limoges, nuance le tableau. Selon lui, « le déficit en personnel paramédical, et surtout médical, participe évidemment aux difficultés, mais l’encombrement n’est pas uniquement lié au manque d’effectifs ». Et de pointer l’afflux de patients qui ne sont théoriquement pas destinés à passer par le service des urgences, mais qui, « du fait d’un maillage démographique médical insuffisant an amont, n’ont d’autre solution que d’aller aux urgences ».

Le médecin limougeaud souligne lui aussi la problématique de l’aval. L’unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) serait « fermée depuis des mois car il n’y a pas assez de médecins pour assurer le bon fonctionnement de cette unité ». Et d’ajouter que la ligne de Samu a été « fermée cet été ». Mais selon ce spécialiste, il n’y a « pas de problème spécifique aux urgences de Limoges, car c’est la même problématique dans tous les établissements ».

* Prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité


Source : lequotidiendumedecin.fr