C'est dans un contexte très délicat qu'Emmanuel Macron a pris le pouls des soignants ce mardi, à l'occasion d'un déplacement dans la Manche. Accompagné de la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, le chef de l'État, accueilli par des manifestants syndicaux, a rencontré, pour sa première visite de terrain depuis sa réélection, tous « les acteurs de la santé » d'un même bassin de vie (urgentistes, infirmiers, généralistes, administration), à l'hôpital de Cherbourg. Objectif : évoquer « l'accès aux soins urgents et non programmés », tant « aux urgences hospitalières qu'en médecine de ville », à la veille d'un été à hauts risques.
Le Dr François Braun aux manettes d'une mission d'un mois
Pour comprendre (et résoudre) la crise des urgences et la pénurie de personnel qualifié, le locataire de l'Élysée a confirmé la tenue d'une « conférence des parties prenantes sur la santé », à partir de juillet.
Mais sans attendre, il a aussi annoncé une mission d'information express (un mois) confiée au Dr François Braun : le patron de Samu-Urgences de France, qui fut également son référent santé pendant la campagne, devra remettre son diagnostic sur la crise des urgences et des soins non programmés avec des propositions, « au plus tard le 1er juillet ». Son rapport « aura vocation à expliquer, territoire par territoire, là ou sont les manques, de pouvoir les chiffrer », a précisé le chef de l'Etat. De fait, comment s'organiser pour assurer la continuité des soins alors que 120 hôpitaux ont dû fermer provisoirement la nuit ou limiter leur accès en raison du manque de personnel ?
Bonne entente ville-hôpital, le modèle à imiter
Les urgences de l'hôpital de Cherbourg ne sont pas épargnées. Début janvier, l'accès libre a été fermé entre 19h et 8h30. Depuis hier, lundi 30 mai, cet accès a été encore restreint dès 15 heures. Malgré de graves difficultés, libéraux et hospitaliers du territoire ont travaillé main dans la main pour proposer un fonctionnement collégial, soutenu par l'ARS Normandie, qui pourrait servir de modèle.
L’établissement a mis en place un système de régulation téléphonique via le Centre 15. C’est le Samu qui assure la régulation du service et l’orientation des patients. « Un renfort libéral a été prévu pour la tranche 18h-20h, assure le Dr Philippe Cholet, vice-président de l'URML Normandie. Celui qui est aussi à la tête de l’association de préfiguration de la CPTS du Cotentin (regroupant 150 professionnels de santé) affirme qu'un renfort d'effecteurs libéraux est aussi envisagé. « Nous avons la chance d'avoir SOS médecins qui prend en charge les soins non programmés dans la communauté urbaine de Cherbourg », ajoute-t-il.
Ici, l'association a signé des conventions avec l’hôpital et assure la régulation la nuit et les week-ends ainsi que l'effection. « Nous renforçons ce qui existe déjà, observe le Dr Christophe Marchenay, président de l'antenne locale. Dans ce fonctionnement dégradé des soins, il y a une bonne entente entre tous les acteurs ».
SOS attend des réponses fortes
Dans ce contexte, la visite « attendue » d'Emmanuel Macron a été une bonne occasion pour porter les revendications de terrain. « Si on veut que les généralistes ferment à 18 heures leur cabinet pour prêter main-forte à la régulation, la rémunération de l'avenant 9 est délétère ! Et puis, il y a un problème d'assurance puisqu'ils ne bénéficient de la couverture assurantielle », martèle le Dr Cholet.
Même position du côté de SOS médecins qui se bat depuis des mois pour la revalorisation des visites à domicile, bloquées à 35 euros. « J'attends des réponses fortes du président. S'il n'y a pas de reconnaissance des efforts des libéraux, les visites à domicile s'arrêteront », avance, déterminé, le Dr Marchenay.
Vers des plans de continuité des soins ?
Face à cette situation de crise à l'échelle nationale, Brigitte Bouguignon a assuré vouloir prendre des mesures « pour faire face à l'été » et répondre à la pénurie de personnels. Une série de réunions avec les représentants des médecins libéraux et hospitaliers est programmée toute cette semaine.
Reçue dès mardi, la FHF a avancé plusieurs pistes pour « alléger la surcharge de travail » de l'hôpital. Sans mentionner cette fois le retour obligatoire des gardes, la puissante Fédération souhaite l’installation de « cellules de crise dans chaque ARS afin d’identifier les fragilités au niveau régional pour élaborer, en conséquence, des plans de continuité des soins opérationnels pour les semaines à venir ». Et pour donner la pleine efficacité à ces plans de continuité des soins, la Fédération propose la mise en place d’une « obligation de transparence et de concertation sur les planifications d’activités et de congés de tous les acteurs » (hôpitaux, cliniques, premier recours) ainsi qu'une organisation conjointe des permanences des soins en établissement (PDS-ES) et en ville (PDS-A) avec une « obligation collective de résultat ».
Elle encourage le gouvernement à réactiver « les dispositifs de majoration des éléments de rémunération utilisés lors des phases aiguës de la crise Covid » comme les heures supplémentaires, le temps de travail additionnel, les indemnités de sujétion ou pour congés non pris.
Régulation à l'entrée des urgences
Côté médecine de ville, MG France qui doit être reçu à Ségur le 3 juin n'est pas en reste. Le syndicat de généralistes propose d'instaurer une régulation à l'entrée des urgences comme à Cherbourg ou à Bordeaux. Mais, « en cas de réorientation vers la ville, la sollicitation du médecin traitant devra se faire en premier lieu, ajoute MG France. Et le compte rendu de chaque intervention médicale lors d’une demande de soins non programmés doit lui être communiqué. » Autre requête du syndicat : le généraliste doit disposer d’un numéro d’appel spécifique permettant « l’admission directe de patients dans les services » hospitaliers, évitant ainsi le passage aux urgences.
Le syndicat souhaite aussi « généraliser les assistants médicaux » en diminuant les freins à leur recrutement et organiser une campagne de communication grand public sur le bon usage du système de soins.
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