« Je ne suis pas là pour écrire un énième rapport », jure le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France à qui Emmanuel Macron, en déplacement à Cherbourg le 31 mai, a confié la mission flash (d'un mois, d'ici au 1er juillet) sur la crise des urgences, avec l'objectif de proposer des « solutions pragmatiques ».
Soignants épuisés
Joint ce jeudi par « Le Quotidien », le référent santé d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, lève le voile sur sa méthode et ses intentions et affiche sa volonté de trouver des solutions opérationnelles immédiatement. « La maladie est connue et le diagnostic posé, admet l'urgentiste. Des solutions sont sur la table mais il faudra les affiner après la crise Covid, et en proposer de nouvelles ! On doit par exemple tenir compte du fait que les soignants quittent l'hôpital ou le métier par épuisement ».
Conformément à sa lettre de mission, l'urgentiste va identifier « les dysfonctionnements », territoire par territoire, et proposer des solutions « rapidement applicables » pour assurer la continuité de l'accès aux soins urgents dans les mois qui viennent. Sa méthode ? « On va remonter du terrain les vraies solutions qu'on accompagne et on ne fera pas l'inverse, c'est-à-dire des décisions nationales unilatérales qu'on impose partout », affirme le patron de Samu-Urgences de France. En médecin, il résume : « Nous allons écrire l’ordonnance, faire les prescriptions, mais aussi, cette fois-ci, administrer les médicaments », c'est-à-dire aller au bout de la démarche. De fait, la crise est immédiate et l'été s'annonce très difficile dans de nombreux territoires où les urgences ferment ou tournent au ralenti.
Une équipe… et une polémique
Pour cette tâche délicate, il s'est entouré de personnalités aux « profils intéressants » qu'il a lui même choisi : le Pr Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) ; le Dr Antoine Leveneur, président de la Conférence nationale des URPS de médecins libéraux ; la Dr Delphine Tortiget, médecin généraliste de terrain, et Thomas Deroche, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Normandie.
Mais déjà, la désignation du Dr Leveneur (FMF) a soulevé une polémique. MG France estime en effet que la conférence nationale des URPS « ne regroupe pas tous les présidents d'URPS » et que « son président ne peut en aucun cas parler au nom de tous les médecins libéraux ». Des critiques balayées par le Dr Braun qui fait valoir qu'il est en contact régulier avec tous les syndicats représentatifs de médecins libéraux.
Submergé de mails
Depuis deux jours, François Braun est déjà « submergé de remontées du terrain ». « Le diagnostic va être affiné avec les informations croisées de toutes les sources possibles, celles des syndicats, des fédérations hospitalières publiques et privées, des collectifs, pendant quelques jours », rassure-t-il. Puis, une « cartographie » des difficultés et des solutions mises en place sera établie. L'objectif est de collecter les dispositifs existants opérationnels, de les « labelliser » et les mettre à la disposition des territoires sous la forme d'une « boîte à outils » avec un « accompagnement réglementaire et/ou financier ».
Plusieurs solutions consensuelles émergent déjà comme la mise en place d'une régulation de l'entrée des services d'urgences par le Centre 15 ou le service d'accès aux soins universel (SAS). Autre piste très sérieuse : la revalorisation du travail de nuit et le week-end pour les professionnels de santé. « Cela pourrait être décliné de façon différente selon les salariés et les libéraux, glisse le Dr Braun. Pour les hospitaliers, on pourrait déjà remettre les mesures prises pendant le Covid comme le doublement de l’indemnité de sujétion de nuit ou encore la défiscalisation du travail additionnel ».
Indicateurs pour pérenniser les solutions
Le Dr François Braun va ensuite identifier des pistes pérennes afin de solidifier durablement l'accès aux soins urgents et non programmés.
Pour cela, la mission va proposer de construire plusieurs « indicateurs » qui permettront de valider et de pérenniser les solutions transitoires (prises pendant la crise). « Si on augmente la rémunération des actes des généralistes pour qu’ils acceptent de faire ce que demande la régulation dans le cadre du service d'accès aux soins par exemple, on doit mettre en place un indicateur qui permettra de savoir si ça a marché. Si c'est le cas, on pourra le pérenniser », confie-il. D'autres indicateurs sont-ils à l'étude ? « Cela pourrait être le nombre de passages évitables aux urgences ou le nombre d'actes réalisés sur demande du SAS en journée », précise-t-il.
Pour l'heure, le Dr Braun veut aller vite. « Je me donne quinze jours pour proposer un corpus de diagnostic et de traitement. Après, il faudra convaincre le "pharmacien ministère de la Santé" de délivrer les médicaments et le patient territorial de les prendre ».
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