Véritable serpent de mer, le dossier du Développement Professionnel Continu (DPC) a connu de sacrés remous depuis sa création en 2009 dans le cadre de la loi HPST. La loi de santé en débat au Parlement et, surtout, un récent document de travail du ministère de la Santé, issu de longues discussions avec les professionnels de santé, ouvre de nouvelles perspectives. La réforme simplifierait le dispositif, trop complexe, aménagerait le principe d’obligation et redonnerait un peu de souplesse à la formation continue. « Le Généraliste » fait le point.
Le DPC est-il mort ? Ses jours sont-ils comptés ? La question se pose. Tant il est vrai que le dossier du Développement Professionnel Continu (DPC) a beaucoup fait parler de lui et connu d’importants coups d’arrêt. La gouvernance, le financement, sa définition même… Autant de déconvenues qui ont fait croire aux professionnels de santé que la révolution de la formation continue tant attendue n’allait finalement pas arriver. Contre toute attente, les discussions avec le ministère de la Santé ont abouti à un document de travail d’une trentaine de pages et qui présente les nouvelles pistes de réforme du dispositif. Alors, une nouvelle chance pour le DPC ? « Beaucoup de choses peuvent changer. Le dispositif est appelé à évoluer de façon très importante », prédit Serge Gilberg, président du CSI (Commission Scientifique Indépendante).
Les jours de formation réhabilités
Mais, d’abord, une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, la réhabilitation des jours de formation est annoncée. Cet automne, le Conseil de gestion de l’OG DPC avait alerté son directeur sur le risque de ne pas avoir assez d’argent. Une logique que les professionnels de santé dépeignent a posteriori comme « purement comptable ».
«Ce qui s’est produit c’est que l’OG DPC a estimé qu’on allait dépasser le budget et ils ont alors limité l’utilisation des forfaits. Cinq mois après, on apprend finalement que 24 millions d’euros n’ont pas été dépensés, contrairement à ce qui avait été avancé par la comptabilité. Le Conseil de gestion a annulé la semaine dernière la décision qu’il avait prise en octobre. Il a voté la reprise du budget », explique le Dr Charles-Henri Guez (SML), membre du conseil de surveillance de l’OG DPC, dont la patronne, Monique Weber, vient d’obtenir la Légion d’honneur…
La deuxième bonne nouvelle, c’est l’aménagement de l’obligation. Côté syndical, on relevait avec satisfaction l’absence de référence explicite aux sanctions dans le projet de loi Touraine. La menace qui planait, depuis la loi HPST, sur les médecins d’être sanctionnés en cas d’absence de formation pourrait donc disparaître. La réalité est sans doute plus complexe que ça au vu des débats à l’Assemblée.
Ce qui est sûr en tout cas, c’est que l’« obligation » de DPC au lieu d’être annuelle sera triennale – une fois tous les trois ans. Pas de précisions, en revanche, sur la façon d’« attester » d’une formation. Tout ce que l’on sait c’est que désormais toutes les actions de formation qu’elles soient DPC avec analyse des pratiques ou sans (ancienne version FMC) seront acceptées. Devraient cohabiter alors « deux types de DPC ». « À partir de 2016, toute action de formation sera validante. Tout s’appellera DPC, mais tout ne sera pas indemnisé », explique le Dr Patricia Lefébure, en charge du dossier DPC à la FMF.
Pour que les médecins puissent avoir le choix, il a été décidé, en effet, que deux formes de DPC seraient acceptées par l’OG DPC. D’un côté, les formations indemnisées qui sont restreintes aux thèmes prioritaires avec un cadre pour la méthode et le contenu et, de l’autre, celles qui ne sont pas indemnisées par la Sécu mais par le FAF, entre autres. Ces programmes de formation correspondent à ce que l’on qualifie aujourd’hui de FMC. Autrement dit, le médecin peut toujours faire des actions de formation qui n’appartiennent pas au cahier des charges de l’OG DPC, mais à défaut d’être indemnisées, elles seront quand même validées.
Ça tangue toujours sur la gouvernance
Sur la gouvernance, là aussi, des progrès ont été réalisés. « Le DPC a été repris en main par les professionnels de santé », se félicite, pour la FMF, le Dr Patricia Lefébure. Une Agence nationale du DPC va être créée avec un Haut Conseil où siégeront une cinquantaine de personnes (infirmières, médecins, libéraux, hospitaliers, etc.), plus un Comité d’éthique et des commissions scientifiques indépendantes. Ils détermineront les actions prioritaires et les méthodes. Les recommandations et les orientations viendront de la « base », autrement dit des professionnels de santé eux-mêmes. L’idée, en clair, c’est un DPC pour les médecins fait par les médecins. « J’ai l’impression que cela donnera pas mal d’autonomie aux libéraux car c’est à parité », relève le Dr Lefébure. « On est plutôt contents, on a repris les choses en main. C’est plus souple. Le cadre nous convient », se réjouit-elle.
Parmi vos syndicats, si certains se félicitent, d’autres au contraire s’interrogent encore sur l’avenir du dispositif. « Ce que va faire la ministre de la Santé, je ne le sais pas, mais, en tout état de cause, un texte, celui de la loi santé, est sorti et a été soumis à la commission des Affaires sociales », explique le Dr Charles-Henri Guez. « On a perdu beaucoup de temps avec le DPC. Deux ans et demi. Maintenant, on semble revenir à de bonnes choses », précise le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Tout le monde ne partage pas cet optimisme. Pour le président de MG France, Claude Leicher, ces nouvelles pistes de réforme ne sont qu’un « gros coup de peinture mais elles laissent le système en l’état ». Si l’on suit le généraliste de la Drôme, ce système laisse toujours la prépondérance des décisions au président de la section. Or ce dernier n’est pas un professionnel de santé mais un institutionnel, certainement nommé par le ministère. « ?Dans la loi de santé, le DPC est mentionné mais on ne sait rien de plus. L’article en question n’abroge pas la loi HPST et l’OG DPC qui n’est pas fonctionnel », poursuit Claude Leicher. « L’État et l’Assurance Maladie sont les seulsà gérer, ce n’est pas normal. Ils ne tiennent pas compte des attentes spécifiques des généralistes », poursuit-il.
Les pistes du rapport Druais
En charge du DPC à MG France, Marie-Hélène Certain, membre du Collège de la Médecine Générale (CMG) abonde dans le même sens : elle considère que si le document de travail de la DGOS a pris en compte certains éléments, reste en revanche la question de la gouvernance sur laquelle « on n’est pas du tout content. Depuis trois ans, nous avons été échaudés par ce dossier, je ne crois désormais que ce que je lis. On ne va pas se contenter de promesses. Pour l’instant, je ne peux pas dire si cela va dans le bon sens, il nous faut plus de garanties ». La généraliste des Mureaux (Yvelines) plaide en faveur des propositions qui ont été rédigées dans le rapport du Pr Pierre-Louis Druais, président du CMG. Un rapport qui a été rendu public fin février mais présenté et discuté avec Marisol Touraine, la veille du début de l’examen du projet de la loi de santé à l’Assemblée nationale, le 31 mars.
Encore un document qui pourrait aider le DPC à repartir sur de nouvelles bases. Ce rapport préconise, par exemple, une gouvernance à trois pieds avec un versant scientifique géré par les Conseils Nationaux Professionnels (CNP) et les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI), un versant administratif et financier dont s’occuperait l’OG DPC, et, enfin, un versant politique – ce qui manque selon les membres du Collège de la Médecine Générale – qui déciderait de l’utilisation et de la répartition des fonds pour répondre aux besoins des professionnels de santé et de la population. Pour le Pr Pierre-Louis Druais, le rôle de l’OG DPC doit être revu et ne remplir que celui de « banque » du DPC. Elle ne devrait pas intervenir dans le choix des organismes, des programmes, etc. Un point de vue que partage le président de la CMSF, Jean-Paul Ortiz. « Tout l’aspect de la gouvernance est à revoir. Pour l’instant, dans la loi de santé, rien n’est inscrit. Cela nous inquiète et nous restons vigilants sur ce que nous trouverons dans les décrets qui viendront préciser les modalités du DPC. »
Pour un financement conventionnel partiel
Dernier point : le financement du DPC. Jugé «largement insuffisant » par le président de la CSMF, ce dernier plaide en faveur d’un financement conventionnel partiel du DPC. « Nous souhaitons qu’une partie du dispositif repasse sous la coupe conventionnelle. » Pour l’heure, il semblerait que l’enveloppe destinée à une profession n’est pas fongible. Autrement dit, un budget par profession. Pas question de financer les autres. Les années précédentes une partie de l’enveloppe des médecins avait financé la formation d’autres professionnels de santé. Ce que contestaient beaucoup de médecins. Le document de la DGOS a corrigé cet aspect-là du dispositif. Et, désormais, si tout n’est pas utilisé, l’argent sera alors reporté sur le budget de l’année suivante.