Il y a quelques siècles, en Russie, le tsar a rendu responsable les médecins d'une épidémie de peste. On leur a tranché la gorge ; la peste a disparu…
Depuis 1971, il existe un numerus clausus, c’est-à-dire une limitation du nombre d'étudiants admis pour devenir médecins. De toute évidence, car il y avait trop de médecins. Tuer les médecins fera disparaître les maladies…
Écoutons nos patients. Quand ils parlent, ils disent :
« J'ai rendez-vous chez mon médecin » quand ils ont rendez-vous chez leur médecin généraliste. « J'ai rendez-vous chez le cardiologue (ou autre logue) » quand ils ont rendez-vous chez un spécialiste.
Pour les patients, les médecins ça existe encore, et ils semblent en avoir besoin, car ils prononcent encore ces mots : « Mon Médecin ». Et pourtant, en haut lieu, le modèle du médecin semble être plus que jamais monsieur Purgon ou Docteur Knock. Ce n'est parce que Hippocrate a écrit « L'art de la médecine » en trois forts volumes, qu'on l'encense (bien que plus personne ne le lise), et qu'on l'oppose souvent aux médecins d'aujourd'hui, qu'il avait une meilleure médecine ; d'ailleurs, on se garde bien d'enseigner l'histoire de la médecine aux futurs médecins.
Et n'avez-vous pas remarqué les plaques professionnelles des spécialistes : Docteur Durand, Cardiologue.
Les spécialistes sont les premiers à avoir déserté le navire. Il n'y a plus marqué « Médecin » ; vous me direz qu'il y est inscrit « Docteur », mais docteur n'est pas un terme médical, on peut être docteur en philosophie, en droit, etc. C'est un titre universitaire. À part les médecins, personne ne se fait appeler aujourd'hui« docteur » ; la gloire.
Sur les plaques des généralistes, on peut encore lire « Médecine Générale », mais depuis qu'ils ont acquis le titre de spécialiste en médecine générale, cette dénomination est souvent remplacée par « Généraliste » ; mais c'est peut-être parce que c'est moins cher à graver, paupérisation de la fonction oblige.
Même les femmes, à notre époque égalitaire, ne sont pas épargnées! Certes, on dit docteur-euh, ou doctoresse, comme « dame patronnesse » pour se moquer d'elles ; mais le vrai nom est médecin, comme boulanger, ou instituteur. Il n'y a pas de féminin pour le médecin.
Il y a aujourd'hui une grande incapacité à exprimer ce qu'on attend d'un médecin, dit généraliste ; la meilleure preuve est qu’au fil du temps présent, il change d'attribut de façon régulière: médecin, médecin de famille, médecin généraliste, médecin référent, médecin traitant, médecin de proximité, médecin de premier recours... Pourquoi pas bientôt MRAP : « médecin responsable* des applications des protocoles ? »
Car on a aussi voulu créer en mai 2010 des professions intermédiaires, entre les infirmières et les généralistes, cela dans le cadre d'une médecine protocolisée. Le patient va consulter en première intention cet intermédiaire qui l'adresse ou non ensuite au généraliste en fonction du protocole…
Le médecin s'est fait dépouiller et a abandonné progressivement la plupart de ce qu'il faisait au profit de ce qu'on appelle un spécialiste. On lui a imposé en remplacement de nouvelles fonctions non médicales, paperassières chronophages dont l'un des buts non avoué est uniquement de permettre de faire des études statistiques probablement plus que douteuses si l'on prend comme référence l’intérêt des patients.
Nous vivons dans un monde de plus en plus complexe ; en réalité, c'est nous qui le complexifions à outrance, jusqu'à le rendre totalement ingérable ; comme les forfaits et les lettres clefs des actes des généralistes par exemple (ça permet de faire des statistiques débiles). À l’inverse des ordinateurs et de leurs programmes bien conçus, où la complexité reste derrière l'écran, alors que la simplicité et l'intuition sont pour l'utilisateur. Nos patients sont divers, tous différents, c'est leur complexité. Cette différence, les médecins la perçoivent, permettent qu'elle s'exprime pour les accompagner ; les médecins refusent la standardisation qu'on veut imposer aux patients ; les médecins sont des gêneurs, on les accuse, alors on les suicide, on en fait des spécialistes.
Les médecins sont en train de mourir ; il n'y en aura bientôt plus.
*Responsable : au sens d’« obéir » et non « capable de prendre des responsabilités ».
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