Pure coïncidence de calendrier ou coup politique du groupe LR au Sénat ? Au moment de l’examen de la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot à l’Assemblée, la droite vient de déposer son propre texte sur l’accès aux soins à la chambre haute, fruit d’un an de travail du groupe politique. Le texte sera examiné le 6 mai 2025 en commission et le 12 mai en séance publique. « Nous ne sommes pas dans une logique de complémentarité ou d’opposition, justifie d’emblée Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres et président de la commission des Affaires sociales. Notre volonté est de proposer des solutions transitoires, opérationnelles assez facilement et évaluées chaque année ».
Longtemps rétifs à toute forme de coercition, les sénateurs républicains assument désormais dans leur projet un désir de régulation pour répondre aux besoins de la population confrontée à une offre de soins insuffisante. L’installation des médecins dans les zones dites surdenses serait conditionnée de deux façons.
Pour les médecins généralistes, cette installation serait préalablement autorisée par l’ARS, après avis du conseil départemental de l’Ordre des médecins. Cette autorisation serait conditionnée à un engagement du praticien à exercer à temps partiel dans une zone sous-dotée. « Notre position est très simple, se défend Bruno Rojouan, sénateur de l’Allier et coauteur du texte. Nous ne nous opposerons pas à l’installation d’un médecin dans un territoire bien doté. Mais il aura l'obligation d'ouvrir un cabinet secondaire. »
« Un pour un » pour les spécialistes
Pour les médecins spécialistes, c’est différent. La droite pousse elle aussi le principe du « un pour un ». « L’autorisation serait conditionnée, en zone surdense, à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone » – comme le défend donc le député socialiste Guillaume Garot mais pour l’ensemble des spécialités, généralistes libéraux ou salariés compris.
Dans ce texte, cette régulation des spécialistes ne s’applique pas dans deux cas : si le médecin s’engage à exercer à temps partiel dans une zone sous-dotée ; « à titre exceptionnel », si son installation est nécessaire pour maintenir l’accès aux soins. « On confie à l'ARS le soin d'apprécier si cette installation supplémentaire peut effectivement se mettre en place, en raison notamment d’une augmentation de la population », ajoute le sénateur de l’Allier.
La définition des besoins de la population en matière de temps médical serait confiée aux conseils départementaux, en lien avec les ARS, les CPAM et les ordres. « L’évaluation va permettre de préciser les zones surdotées qui sont de plus en plus rares et de mettre un cadre pour ces territoires », insiste Philippe Mouiller.
Autorisation de dépassements dans les déserts
Même si cette proposition de loi est plus « light » que celle du député socialiste, la droite sénatoriale, bien consciente des crispations du corps médical, a cherché à faire passer la pilule auprès de la profession en suggérant de « simplifier les conditions d’exercice » dans les sites secondaires et de faciliter « le remplacement » des médecins libéraux qui participent aux urgences en zones sous-denses.
« C’est l’Ordre qui a en partie la main pour assouplir les règles existantes », explique Bruno Rojouan au Quotidien. Sur le plan de la rémunération, les praticiens qui exerceraient dans ces zones sous-dotées pourraient pratiquer des « dépassements d’honoraires dans les conditions fixées par la convention médicale ». « Il s’agit en fait de tarifs spécifiques prévus par la Cnam en accord avec les syndicats, recadre Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime. Les patients seront remboursés sur la base de ces tarifs spécifiques. »
Autre disposition avancée : expérimenter la possibilité pour les centres de santé situés dans les zones sous-dotées de recourir à des contrats à durée déterminée (CDD). « C’est une demande de Médecins solidaires, confrontés à ce type de frein par rapport aux contrats de travail », reconnaît Corinne Imbert. Pour contrer les déserts, le collectif porté par le Dr Martial Jardel organise en effet un relais hebdomadaire de généralistes salariés dans des centres de santé éphémères.
De façon plus récurrente, les auteurs de la PPL soutiennent d’autres dispositions déjà abordées dans les précédentes propositions de lois comme le partage de compétences pour libérer le temps médical. Sur ce sujet, la sénatrice de Charente-Martime souhaite généraliser l’expérimentation Osys (orientation dans le système de soins) qui autorise, de façon dérogatoire, les pharmaciens d'officine à « détecter une situation à risque, à orienter rapidement le patient vers un professionnel de santé et à éviter un passage inutile à l’hôpital ».
Dans la même idée, les sénateurs entendent favoriser la pratique avancée pour les infirmières par un maintien des revenus des paramédicaux IDE en période de formation et une revalorisation de la rémunération des IPA. « Il s’agit de défendre les revenus des infirmières, en formation comme en pratique avancée, pour qu’elles ne soient pas pénalisées par cet engagement », martèle Corinne Imbert.
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