Mal énoncer un problème peut nuire à la lucidité qu’il convient d’avoir pour le résoudre. Les mots ont un sens et les utiliser de manière imprécise peut curieusement avoir de fâcheuses conséquences… On parle sans arrêt de la pénurie des médecins. Mais en réalité, ce n’est pas d’une pénurie dont il s’agit puisque, depuis que le sujet est sur la sellette, le nombre des médecins sortant des facultés n’a, en valeur absolue, ni augmenté, ni diminué. Une pénurie est par définition un manque d’effectif. Or, ici, il n’y en a pas.
Et du reste, il serait totalement impossible d’expliquer un tel manque puisque rien n’a été fait délibérément pour le créer (ce qui ne fut pas le cas lors de la mise en place du Mica dans les années 90…) et d’autre part, rien n’est survenu de manière involontaire qui puisse l’avoir provoqué.
Maintenant, il est essentiel de bien ouvrir les yeux afin de ne pas occulter une criante réalité. Cette situation que nous vivons vient simplement du fait qu’un insolite déséquilibre s’est installé parce que, à des gens qui en ont trop fait et à qui on ne demandait pas d’en faire tant (les générations d’avant), en ont succédé d’autres qui ont décrété mordicus qu’ils en feraient beaucoup moins (les générations actuelles).
Cette constatation faite, il s’agit ensuite d’un problème d’arithmétique élémentaire : si l’on veut remplacer dix médecins qui travaillaient 60 heures semaine, par dix nouveaux qui ne veulent en faire que 30 ou 35, le certificat d’études (un diplôme qui faisait des têtes bien faites à défaut de trop les remplir, que certains de nos politiciens distingués n’ont certainement jamais dû passer), est tout à fait suffisant pour comprendre qu’il en faudrait le double. Ces chiffres ne sont là que pour les besoins de la démonstration, mais les proportions ne sont peut-être pas très loin de la réalité.
Une fois cet axiome posé, et le terme « pénurie » à tout jamais banni, on s’aperçoit aussitôt qu’il est possible de raisonner d’une autre manière et d’entrevoir des solutions différentes de celles, multiples, qui nous sont proposées aujourd’hui et qui, il faut le reconnaître, ne sont pas très contributives à la résolution du problème.
En atteste, le fait qu’il n’est pas de jour ou, dans tout l’hexagone – et ceci dure maintenant depuis plusieurs années — on ne se désole de cette dramatique situation qui s’éternise, finit par devenir anxiogène pour les patients, culpabilisante pour les élus et, pour laquelle, de toute évidence, on n’a pas encore trouvé l’idoine solution.
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