« N’hésitez pas à sortir de vos compétences et osez le dérogatoire ! ». Lors du congrès de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), à Dijon, vendredi dernier, le Dr Étienne Deslandes, généraliste dans le Puy-de-Dôme, a animé un atelier participatif sur les soins non programmés. Le but : imaginer dans quels cas le médecin d'une maison de santé pourrait déléguer, par manque de place à l’agenda, ces prises en charges à d’autres professionnels. Une centaine de médecins, infirmiers, kinés, pharmaciens et autres podologues ou sages-femmes ont imaginé, en équipe, des situations qui leur semblaient pertinentes de délégation.
Atelier « Soins non programmés : jusqu’où aller dans le partage de compétences ? » une centaine de participants doivent réfléchir à des solutions innovantes pour prendre en charge ces soins #FFMPS2019 pic.twitter.com/9ee6WlY2fW
— Camille Roux (@camille_roux) 29 mars 2019
ECG par l’infirmier, prise en charge de la petite traumato, plaies, cystite, chutes, syndromes dépressifs, crises d’angoisse, résultats d’analyses… Plusieurs idées ont été lancées au fur et à mesure d’un brainstorming animé.
Plusieurs modèles défini après brainstorming
Finalement, huit groupes composés d'une dizaine de professionnels de santé ont été constitués pour travailler sur une pathologie en particulier. Voici quelques exemples de soins non programmés délégués présentés par les groupes de travail du jour :
• La lombalgie aiguë (kiné ou ostéo). « Une évaluation rapide par le kiné ou l’ostéo transmise ensuite au médecin traitant via le dossier partagé de la MSP ou la messagerie sécurisée permet un diagnostic rapide et la prévention des douleurs chroniques et des récidives. Il faudrait établir des critères de gravité précis pour renvoyer vers une consultation médicale si nécessaire. Le kiné devrait être formé à cette prise en charge et une évaluation des pratiques serait prévue en retour. La limite de cette délégation serait l’absence de prescription d’imagerie et de médicament. »
• L’ongle incarné (podologue). « Cela mériterait du matériel adapté pour le podologue. La limite à cette délégation est qu’aujourd’hui, le podologue ne peut traiter un ongle incarné sans faire mal au patient car il ne peut prescrire ni antalgiques, ni anesthésie, ni antibiotiques. Il faudrait permettre ces prescriptions en coordination avec le médecin. La prise en charge serait notée dans le dossier partagé, d’autant que les récidives sont très fréquentes pour cette pathologie. »
• Rapport non protégé (infirmier). « Ici un accès total au dossier partagé du patient est nécessaire pour éviter les risques. L’infirmier pourrait délivrer la pilule du lendemain et proposer un traitement post-exposition au VIH. Une prescription médicale type pourrait être mise à disposition de l'infirmier pour éviter les erreurs de prescription et de sérologie. L'infirmier doit cependant disposer de stock pour la pilule du lendemain et la délivrer dans les mêmes conditions que le pharmacien actuellement. Les contre-indications et les allergies sont écartées grâce à l’accès au dossier partagé du patient de la MSP. L’infirmier assurerait également la prévention. »
• Infection urinaire (infirmier, pharmacien, sage-femme, labo) : « Un des risques de cette prise en charge serait de méconnaître la complication de pyélonéphrite. Un examen clinique standardisé et rapide avec prise de tension et de température et contact lombaire permet d’écarter cette possibilité. Les interactions médicamenteuses seraient évitées avec l’accès au dossier partagé du patient. Le risque est aussi le nomadisme médical et la réaction du patient. Un coup il voit le labo, un coup le médecin, un coup l’infirmier et on peut passer à côté d’une cystite à répétition. »
Financement inadapté à la coopération interpro
À l’issue de cet atelier, les réactions des généralistes présents étaient partagées. Le Dr Cécile Chambefort, médecin de famille à Gergy (Saône-et-Loire), a trouvé les pistes évoquées pendant l'atelier « intéressantes » mais nuance toutefois. « Les délégations sont importances, je travaille moi-même avec une infirmière Asalee mais la problématique est la définition du métier de chacun. D’un point de vue philosophique je me demande quel métier je fais maintenant. Mon activité n’est plus celle que j’ai choisie il y a 12 ans », confie la généraliste.
La généraliste de la maison de santé Réalmont (Tarn) et vice-présidente de MG France, le Dr Margot Bayart, elle aussi présente à l'atelier, estime qu'« on met la charrue avant les bœufs ». Selon elle, « tant que le modèle de financement de la médecine générale sera celui-là, il ne permettra pas de faire des transformations ». La généraliste plaide pour une augmentation de la part des forfaits dans la rémunération pour arriver « au moins à 30 ou 40 % ». Actuellement, les forfaits représentent moins de 15 % de la rémunération. Le Dr Chambefort est plus radicale. « Si je vais au bout de mon idée personnelle, c’est zéro paiement à l’acte et tout à la capitation avec les mêmes critères pour tout le monde ».
Et vous, que seriez-vous prêts à déléguer dans le cadre de la prise en charge des soins non programmés ? N'hésitez pas à répondre en commentaires.
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