Quand l’Académie de médecine planche sur la pénurie de médecins spécialistes, elle ne fait pas les choses à moitié. Dans un touffu rapport rendu public mercredi 2 juillet 2025, l’institution émet plusieurs recommandations pour, sinon résoudre le problème, du moins pallier ses effets les plus indésirables.
L’une d’entre elles risque fort d’agacer les représentants des médecins généralistes : même si elle se défend de déstabiliser le parcours de soins, l’Académie remet en effet en question le dispositif du médecin traitant, jugé trop rigide, au principe qu’il participe aux difficultés d’accès aux soins spécialistes. Pourquoi donc ne pas contribuer, en le dépoussiérant, à l’« assouplissement » du recours aux médecins non généralistes ?
L’Académie le rappelle : « L’enjeu réel est celui de l’accès aux médecins spécialistes plus que celui de leur nombre », la répartition des spécialistes dépendant fortement de la présence sur le territoire d’un CHU, sachant que la France n’en compte que 32.
Dermatologie, rhumatologie, gynécologie médicale, ORL, ophtalmologie, psychiatrie et gastro-entérologie sont les spécialités à la densité la plus faible. « Ces difficultés d’accès conduisent à des délais de consultation pouvant atteindre plusieurs mois », rendant « illusoire » la pratique et le développement d’une politique de prévention essentielle, notamment sur le dépistage du mélanome, notent les Académiciens. Et d’insister : 35 % des patients renoncent à des demandes de soins spécialisés du fait des difficultés d’accès, toutes catégories socio-professionnelles confondues. Les Français « résidant dans des communes de moins de 3 500 habitants consomment 20 % de soins hospitaliers en moins que les citadins, et la différence est même de 40 % pour les dialyses et chimiothérapies », assure l’Académie.
Une conception « surannée » du parcours de soins
Dans ce contexte, l'institution défend un « nouveau regard » sur le système de santé au sein duquel « le médecin n’a pas nécessairement à jouer le rôle central ». L’Académie fustige la « conception surannée » visant à lutter contre les inégalités territoriales de santé en portant l’essentiel de l’effort politique sur le premier recours, « le médecin généraliste étant toujours considéré comme la porte d’entrée obligatoire » du soin. Cette focalisation entraîne souvent, entre autres effets indésirables, une confusion entre le médecin généraliste et le médecin traitant, alors que pour certaines pathologies c’est bien le médecin spécialiste qui devient de fait le médecin traitant…
Surtout, elle précise que les difficultés d’accès aux médecins spécialistes « sont accentuées par le passage obligatoire par un médecin traitant pour l’accès aux spécialistes médicaux et chirurgicaux, alors que 17 % des Français n’ont pas de médecin traitant ».
L’Académie juge même que le « passage obligé » par la case généraliste pour la demande de rendez-vous de spécialiste « est un handicap particulièrement pénalisant en pédiatrie et en psychiatrie ». Aujourd’hui, il existe quatre spécialités en accès direct spécifique dont la gynécologie (pour les examens cliniques gynécologiques périodiques, y compris les actes de dépistage, la prescription et le suivi d'une contraception, le suivi d'une grossesse, l’IVG médicamenteuse), l’ophtalmologie (pour la prescription et le renouvellement de lunettes, les actes de dépistage et de suivi du glaucome), la psychiatrie ou neuropsychiatrie (entre 16 et 25 ans) et la stomatologie (sauf pour des actes chirurgicaux lourds).
Accès direct accéléré
L’Académie imagine donc d’aller un cran plus loin dans le contournement possible du rôle du médecin traitant. Les experts entendent ainsi « faciliter l’accès des patients aux spécialistes, actuellement par l’intermédiaire de leur médecin traitant, à travers une information accessible et adaptée aux besoins locaux et une ouverture plus large à un accès direct à certains spécialistes de premier recours ». Dermatologues, rhumatologues, chirurgiens orthopédiques et urologues pourraient bénéficier de cette souplesse, listent-ils en exemple de façon non exhaustive.
Mais au-delà, il serait bon que les diverses spécialités, toujours hors médecine générale, cataloguent elles aussi les cadres nosologiques « pour lesquels un accès direct, et donc accéléré, aux spécialistes médicaux ou chirurgicaux, devrait être rendu possible ».
Gare au risque de système « tubulaire »
Selon l’Académie toujours, cette dérogation « permettrait une économie en examens complémentaires ainsi qu’une amélioration des délais et de la qualité de la prise en charge, ces spécialistes de première ligne (urologues, gynécologues, rhumatologues…) réalisant eux-mêmes les premiers examens complémentaires (échographie, etc.) et étant en charge de la prescription des examens plus spécialisés (IRM de prostate, TEP…) ».
Si l’Académie souhaite donc rénover et assouplir le parcours de soins, elle n’entend pas tout remettre en question de la cave au grenier. Quoique réformée, la place du médecin traitant « doit être conservée et son rôle de coordination maintenu », y compris en cas de recours direct à certains spécialistes. Attention à ne pas créer un système trop « tubulaire » sans garantie de retour réel d’informations vers le médecin traitant. Le mieux est parfois l’ennemi du bien.
Une lettre clé pour valoriser la concertation pluridisciplinaire ?
À l’instar de ce qui se fait en oncologie, l’Académie suggère de concevoir, quand il y a des intervenants multiples, que le médecin traitant puisse « organiser et coordonner une concertation pluridisciplinaire » permettant d’aboutir à des décisions vraiment collégiales. Pourrait être conçue une « nouvelle lettre clé à la nomenclature des actes » pour la rémunération des participants à cette concertation : le coût induit en serait sûrement compensé par l’amélioration de la pertinence des soins, plaide l’Académie, qui fait valoir que 30 % des actes seraient actuellement non pertinents.
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