LE QUOTIDIEN : Députée du Doubs, vous êtes la seule et unique médecin à avoir voté en faveur de la proposition de loi portée par Guillaume Garot, qui introduit une régulation de l’installation de vos confrères et une permanence des soins obligatoire. Pourquoi est-ce un bon texte à vos yeux ?
DR DOMINIQUE VOYNET : Je ne dirais même pas que c’est un bon texte ! Le premier objectif, c’est que ce sujet de l’accès aux soins soit, enfin, sérieusement traité. À chaque fois que la question de l’offre de santé sur le territoire s’est posée, les syndicats professionnels ont affirmé leur volonté de faire des propositions pour régler le problème sans passer par une loi et avec des mesures non directives...
Nous avons inventé de nouvelles formes d’exercice, comme celui en maison de santé pluriprofessionnelle, plébiscité par les jeunes médecins qui ne veulent plus travailler isolés, 90 heures par semaine. On a créé les communautés professionnelles territoriales de santé, qui visent à avoir une vision territoriale de la prise en charge des patients, ainsi que les délégations de tâches ou, encore, de meilleures rémunérations pour la prise en charge de pathologies chroniques ou des personnes âgées. Mais tout cela n’a rien changé à la lourde tentation de s’installer là où le terrain est déjà arrosé… Les mesures incitatives ont montré leurs limites et chacun déplore le manque de médecins et leur répartition.
“Les cris d’orfraie de la profession ne sont pas acceptables
Vous en tirez donc l’enseignement qu’il faut réguler la liberté d’installation maintenant ?
Est-il juste de mettre en place une mesure de régulation de la liberté d’installation des médecins ? Celle-ci s’oppose à la nécessité des patients de bénéficier d’une offre de santé de proximité ! Quelques milliers de professionnels souhaitent conserver à tout prix leur liberté mais des millions de personnes n’ont pas accès aux soins de base. Avec, parfois, des conséquences lourdes pour le système de santé…
Ainsi, le premier bénéfice de cette PPL Garot, c’est d’avoir fait réagir le gouvernement. Je conviens que la PPL Garot ne répond pas totalement au problème mais les cris d’orfraie de la profession ne sont pas acceptables.
Justement, la profession s’est mobilisée dans la rue le 29 avril pour protester contre des mesures jugées punitives et totalement contreproductives. N’avez-vous pas entendu vos confrères ?
Si, je les ai entendus, mais, en un sens, je le déplore ! Dès qu’il faut bouger, la profession montre des résistances terribles : délégations d’actes aux infirmiers, autorisations de vaccination et de renouvellement d’ordonnances pour les pharmaciens, renouvellement de prescriptions de lunettes pour les orthoptistes et opticiens… La profession a beaucoup de mal à s’adapter à la nouvelle réalité de la société. J’ai l’impression que les syndicats médicaux sont nostalgiques de la médecine de papa…
La PPL Garot a peu de chance d’être inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Quid de son avenir réel ?
C’est presque une PPL d’appel pour dire : « Nous avons entendu le message des Français ». C’est un geste politique, qui force le débat et qui martèle que nous ne pouvons pas attendre dix ans face à cette situation !
Le gouvernement semble avoir choisi plutôt la PPL du sénateur Philippe Mouiller (LR) pour mettre en œuvre son plan anti-déserts. Va-t-il dans le bon sens selon vous ?
En réalité, aucun travail de fond n’a été fait par le gouvernement. De façon précipitée, pendant le week-end de Pâques, il a organisé une visite dans le Cantal sur le thème de l’accès aux soins et n’a pas travaillé ses annonces. En revanche, sur le fond, je ne vois pas ce qui serait déshonorant à consacrer une à deux journées par mois pour consulter dans des Ehpad ou des foyers de vie pour personnes handicapées dans des zones en tension.
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