C'est tard dans la soirée de mercredi que la commission des affaires sociales a examiné l'article 44 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023, un de ceux qui fâchent la médecine de ville et inquiètent les établissements de santé.
Afin de renforcer la lutte contre la fraude, cette réforme permet aux caisses primaires de récupérer – auprès des médecins et infirmiers par exemple – des montants d'indus en extrapolant les résultats de contrôle, si un abus est détecté à partir d’un échantillon des factures émises par le professionnel de santé. Pour justifier cette nouvelle procédure de contrôle par extrapolation, le gouvernement fait valoir que l’Assurance-maladie ne peut pas matériellement vérifier toutes les factures et toutes les tarifications, surtout en présence de forts volumes d’activité.
Culpabilisant
Lors de l'examen du PLFSS en commission, des députés de tous les bords (LR, Nupes, RN, Renaissance) ont déposé pas moins de huit amendements de suppression de cet article, relayant l'inquiétude vive exprimée notamment par les syndicats de libéraux ou la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP, cliniques).
Pour le député LR de Meurthe-et-Moselle, Thibault Bazin, « cet article n'est pas le bon » pour combattre la fraude sociale. Il crée « de facto une nouvelle procédure de sanction qui s'ajoute aux cinq autres procédures existantes de sanction en vigueur ». Or, cette méthode basée sur l'extrapolation « sera vécue comme culpabilisante, simplement parce que l’arsenal impressionnant qui existe déjà n’est pas utilisé à bon escient ». De surcroît, il redoute une multiplication des recours et des contentieux. « Oui à la lutte contre la fraude mais pas comme cela ! », a-t-il conclu.
Valletoux craint une procédure alourdie pour les hôpitaux
Pierre Dharréville (Nupes, Hauts-de-Seine) a estimé que cette disposition interroge « sur le plan du droit ». « Les sanctions qui vont être prises ne sont pas faites sur la base des faits établis mais sur une extrapolation d'un échantillon d'indus constatés, rappelle-t-il. En termes de droit, franchement cela ne tient pas la route. »
L'ancien président de la FHF, Frédéric Valletoux (Horizons) a observé de son côté que « cette procédure alourdira la charge bureaucratique des hôpitaux ». « C'est une construction étonnante qui ne va pas dans le sens de l'allègement des procédures, bien au contraire », a-t-il expliqué, jugeant « l'article bizarrement écrit et bizarrement pensé ». Plusieurs élus se sont inquiétés que l'on « inverse la charge de la preuve », en obligeant les professionnels à démontrer qu'ils n'ont pas fraudé sur l'ensemble de leur activité.
Malgré ces objections, Stéphanie Rist, rapporteure générale du PLFSS n'a pas vacillé. « Cette disposition ne cible pas les établissements de santé et il n'y aura pas de surcharge administrative pour les hôpitaux », a-t-elle certifié. Elle vise à « mieux outiller » les caisses maladie face aux irrégularités et aux fraudes, a-t-elle martelé, tout en conservant une procédure contradictoire. Selon la députée (Renaissance) du Loiret, l'application de cette procédure permettrait aux caisses primaires de récupérer cinq millions d'euros d'indus dès 2023. L'article 44 a donc été adopté en l'état.
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