Le Dr Romain Cayuela, 35 ans, a rejoint l’équipe de soins primaires (ESP) de Morières-lès-Avignon (Vaucluse) dès sa création en 2019. « À mon arrivée, j’ai aimé le contact direct avec les autres professionnels de santé, explique-t-il. C’est super important, surtout lorsque l’on sort des études hospitalières et qu'on a l’habitude de travailler en équipe. » Ce médecin généraliste s’est installé dans cette commune de 9 000 habitants où il a grandi, dans la foulée de son diplôme. « Nous travaillions chacun dans notre coin. L’ESP nous a permis de mieux nous connaître, d’échanger nos numéros de téléphone et de communiquer plus aisément », raconte le Dr Cayuela, associé au Dr Henri Liu, son ancien maître de stage, généraliste référent de l'équipe de soins.
De fait, une équipe de soins primaires est souvent présentée comme le tout premier niveau de l'exercice coordonné. Il suffit en théorie d'au moins un généraliste et un professionnel paramédical – regroupés ou non sur un même site – et qui souhaitent se mobiliser autour d’une thématique commune (prise en charge de personnes vulnérables, soins palliatifs à domicile, soins non programmés, etc.).
Une quarantaine de membres
Mais ici, le modèle ESP fait déjà recette. Quelque 36 professionnels ont adhéré à l’association loi 1901 porteuse de la structure. Parmi eux, la moitié des médecins généralistes de cette petite ville limitrophe d’Avignon – cinq sur onze – ainsi que 14 infirmiers libéraux, deux dentistes, quatre pharmaciens, trois orthophonistes, cinq kinés, deux pédicures et une diététicienne. L'organisation se veut la plus souple possible. « Nous nous voyons deux à trois fois par an », poursuit le trentenaire, enthousiasmé par « l’émulation du travail de groupe ». « Pour le suivi de mes patients à domicile, j’ai un retour des infirmiers libéraux beaucoup plus facile et rapide. Ça a permis d’accompagner des personnes avec des pathologies aiguës, sans que leur situation se dégrade et d’éviter des hospitalisations », souligne le Dr Cayuela.
Le projet de santé de l’ESP, obligatoire et en cours d’adoption, prévoit l’animation d’ateliers d’éducation thérapeutique (ETP), le dépistage de cancers et l’amélioration des soins buccodentaires des personnes âgées, entre autres priorités. L’agence régionale de Santé (ARS) a versé 10 000 euros de crédits d’amorçage pour financer un poste de coordination sur la base de 0,3 équivalent temps plein pendant six mois.
Quel degré de formalisme ?
À cette première enveloppe s'ajoutent 7 500 euros de frais d'ingénierie au titre de l’accompagnement à l’élaboration du projet de santé, rédigé avec l’appui de l’URPS médecins libéraux. Un appui somme toute limité pour des soignants débordés. « Pour mettre en œuvre son projet de santé, l’ESP n’a pas de moyens financiers si ce n’est le volontariat et le dynamisme des équipes, admet Loïc Souriau, directeur de la délégation du Vaucluse de l’ARS. Mais l’idée, c’est que l’équipe de soins primaires puisse ensuite se concrétiser en maison de santé pluriprofessionnelle. »
La question du degré de formalisme acceptable est souvent au cœur des préoccupations des libéraux qui veulent se coordonner. En effet, pour obtenir un financement pérenne, une maison de santé doit signer un accord conventionnel interpro (ACI) avec la caisse primaire et l’ARS et se constituer en société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). Mais pour les libéraux moriérois, ce cadre juridique structuré est perçu comme trop contraignant et associé à des obligations en termes de permanence de soins. « Nous sommes tous convaincus que l’ESP est la structure qui nous convient le mieux, résume le Dr Henri Liu, médecin référent. Elle permet aux professionnels de réaliser des projets ensemble sans être pieds et poings liés. Notre pari fut le bon puisque la plupart nous ont rejoints ».
« Nous courons après les subventions »
Et de fait, l'équipe de soins a déjà joué un rôle moteur dans la gestion libérale de la crise sanitaire. La structure a contribué notamment à la mise en place d’un centre de dépistage et de vaccination intercommunal. Dans le sillon de la pandémie, l’ESP a reçu cette fois 31 000 euros de l’ARS pour devenir un relais ambulatoire. Elle travaille déjà étroitement avec la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Grand Avignon, qui couvre un bassin de population de 150 000 habitants. Pour développer la structure, « nous courons après les subventions et nous répondons à des appels à projet », confie toutefois le Dr Liu. C'est l'une des missions de la coordinatrice. La formation des professionnels à l’ETP est ainsi financée par la Sécu agricole (MSA).
Dans le Vaucluse, il existe seulement quatre équipes de soins primaires – Morières-lès-Avignon, Cairanne, Sault et Saint-Christol – contre 22 MSP. « C’est une vraie alternative qu’il faut défendre dans la mesure où cela permet de fédérer davantage de professionnels à l’échelle d’un territoire et de ne pas les contraindre à quoi que ce soit, souligne encore le Dr Liu. Ce cadre plus souple des équipes nous donne une liberté que ne confère pas la MSP et à laquelle on tient ! »
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