Luxeuil-Les-Bains (70)
DR MARTIAL OLIVIER KOEHRET
Le lien entre déficit de la Sécurité sociale et Développement professionnel (DPC) continu n’apparaît pas évident à première vue. Et pourtant. La Cour des comptes, s’inquiète, eu égard au déficit, de la « pérennité même de notre protection sociale » et relève que les causes du déficit sont pour l’essentiel structurelles.
En effet, le déficit est moins creusé par la crise que par la désorganisation des soins. La Cour fustige particulièrement les dépenses de médicaments et les prescriptions des médecins de ville. Le Développement Professionnel Continu – DPC – a précisément été créé pour répondre à ce besoin d’amélioration des pratiques médicales.
Le constat du faible impact sur les pratiques des dispositifs antérieurs de formation des médecins a conduit le législateur à révolutionner la finalité même de la formation. La formation tout au long de la carrière du professionnel peut permettre d’améliorer les pratiques, d’intégrer les avancées scientifiques et thérapeutiques et de s’ouvrir à la santé publique et la prévention.
Relégué au second plan depuis plusieurs mois, le DPC doit revenir sur le devant de la scène et commencer à fonctionner très vite. Tant la variabilité des pratiques médicales que le droit de chaque patient à la qualité et la sécurité de soins fondent l’exigence d’un dispositif performant et efficace. En outre, l’immense majorité des professionnels est en attente de cette révolution pour de nouveau participer à la formation. De même, les regroupements pluriprofessionnels et multidisciplinaires ont besoin de ce nouvel outil que constitue le DPC pour remplir pleinement leur rôle dans le système de santé organisé dont notre pays a besoin.
L’ouverture à des formes de pédagogies et la diversité des acteurs de formation sont de nature à remotiver le plus grand nombre des professionnels, tant il convient de mobiliser les acteurs et surtout de les mobiliser dans la durée. La transparence et l’indépendance du financement ainsi que des circuits de validations scientifiques et pédagogiques sont essentiels à la réussite du DPC.
L’ouverture aux nouveaux modes d’exercice regroupé, l’accompagnement des cursus professionnels, l’efficience des soins, sont autant d’objectifs qu’il faudra atteindre.
Une mise en place rapide du DPC s’impose. Les professionnels comme les patients le souhaitent.
Médecine générale : réponses à l’Académie
Dunkerque
Dr GAËTAN DEHOUPE
L’Académie de médecine, avant l’été, a fait sept propositions pour répondre à la situation préoccupante de la médecine générale, dit-elle. Ce qui appelle un certain nombre de commentaires.
• Les études
Il faudrait, dit l’Académie, améliorer la formation pratique par compagnonnage et organiser dans les meilleures conditions les stages auprès du praticien. Mais comment mettre cela en place en pratique ? Un généraliste consacre en moyenne 60 heures par semaine à l’exercice exclusif de sa profession… Quand insérer un compagnonnage bien fait qui prend le temps ? Autre question : cette nouvelle activité sera-t elle rémunérée ?
• La carrière
L’évolution de la carrière d’un généraliste dépend de l’évolution de sa clientèle. D’après l’Académie, au bout de quelques années de métier, on acquerrait une "notoriété", ce qui m’amène à poser deux questions :
Quelle sera la reconnaissance financière de cette "notoriété"? Quels médecins les patients vont-ils consulter ?
• Les patients
Le généraliste est par essence le premier consulté et le plus disponible, il s’en suit donc que, par affolement ou précipitation, certains patients font des demandes farfelues, c’est au médecin de faire le tri et de faire preuve d’autorité, point final.
• Taches administratives
Tant qu’on ne donnera pas au médecin généraliste les moyens matériels pour embaucher une secrétaire, tous les discours concernant l’allégement des tâches administratives ne seront qu’hypocrisies ! Si le DMP se généralisait, comment ferait-on pour le gérer efficacement ? Et cette nouvelle tâche administrative serait-elle rémunérée ?
• Temps médical disponible
L’Académie semble découvrir aujourd’hui que la profession médicale se féminise alors que c’est une réalité connue depuis au moins trente ans. Qu’ont fait tous nos responsables depuis ces années pour améliorer le statut social des consœurs enceintes ?
Dans la majorité des couples, monsieur et madame travaillent tous les deux. Il y a donc nécessairement un temps plus important pour chacun dévolu aux tâches extraprofessionnelles qui doivent être partagées : donc le temps du généraliste qui se consacre exclusivement de sept heures du matin à vingt le soir à son métier est définitivement révolu.
De ceci découle effectivement que la majorité des jeunes installés ou potentiellement installés ne peuvent pas consacrer plus de cinquante heures par semaine à leur exercice professionnel.
D’où une nouvelle question : compte tenu de la modicité des honoraires conventionnés, quel est l’intérêt financier d’une installation libérale par rapport à une activité salariée ?
• Installation
En supposant que la médecine libérale ait un avenir, il est impossible de contraindre un citoyen français d’aller où il ne veut pas aller… On ne peut pas contraindre un médecin de s’installer dans une campagne perdue où il n’y a ni école, ni crèche, ni services publics, ni hôpitaux, ni confrères spécialistes, ni perspectives professionnelles pour son conjoint.
Deux expériences vécues de dépassements d’honoraires
Saint-Maur les Fossés (94)
MICHEL COUCOUREUX
ENSEIGNANT
Confronté à un problème de dysphonie depuis plusieurs mois, j’ai été amené à consulter un médecin ORL (*) intervenant à la Clinique Internationale du Parc Monceau à Paris. Il a pratiqué en juillet 2010 une laryngoscopie en suspension avec biopsie et épluchage de la corde vocale droite, après m’avoir indiqué un dépassement d’honoraires de 1 200 euros pour lui et de 300 euros pour l’anesthésiste. A l’issue de cette intervention, il a diagnostiqué un cancer de la corde vocale droite et a préconisé une radiothérapie.
Échaudé moralement et financièrement, j’ai préféré contacter le Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil où une cordectomie a été pratiquée en septembre 2010 par un médecin de cet établissement.
Début septembre 2011, je suis allé consulter un chirurgien (*) à la clinique La Francilienne à Pontault Combault, spécialisée dans la chirurgie de la main, pour un Dupuytren de stade II. Après une très rapide consultation pour la modique somme de 70 euros, on m’a proposé une intervention chirurgicale avec, comme il se doit, un dépassement d’honoraires de 850 euros.
Aguerri par ma précédente mésaventure et assez serein (parce qu’un Dupuytren, ce n’est rien par rapport à un cancer), je lui demande ce qui justifie un tel dépassement. Réponse de l’éminent spécialiste, l’air vaguement dégoûté par ma question : « écoutez, je ne tiens pas à marchander, je vous prends 500 euros de dépassements ». Pour quelqu’un qui ne marchande pas, c’est fabuleux...
Sans être farouchement opposé aux dépassements d’honoraires, je suis extrêmement choqué que certains médecins se permettent de tels dépassements d’une ampleur que rien ne justifie, face à des patients qui, confrontés à une pathologie potentiellement grave, n’ont généralement pas les moyens de s’y opposer. La santé ne se négocie pas comme une vulgaire boite de petits pois ! En tant qu’enseignant dans le secteur public par conviction, je suis d’autant plus en colère que la plupart de ces praticiens ont bénéficié d’études prises en charge par le contribuable et se permettent de venir nous tondre la laine sur le dos....
Alors dépassements d’honoraires, pourquoi pas, mais avec tact et mesure, comme le disent les textes (ce n’est d’ailleurs qu’après « négociation » que le chirurgien s’est soucié de ma profession). À quand une véritable réglementation permettant d’en finir avec ces pratiques indécentes ?
* Le Quotidien a volontairement dissimulé les noms des médecins qui figuraient dans cette lettre.
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