SI LE PROJET de taxe à l’encontre des médecins ne télétransmettant pas au moins 75 % de feuilles de soins passe décidément mal chez les praticiens, les patients semblent pour leur part bien compréhensifs face au mouvement de grève de la télétransmission qui a eu lieu lundi dernier. Initié par UG (Union Généraliste), MG-France, UC (Union collégiale) et le SNJMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes), cette opération est la conséquence d’un sentiment général de ras-le-bol des médecins face à ce projet qu’ils jugent inique.
Lundi, au cabinet du Dr Armand Semerciyan, généraliste à Clamart dans les Hauts-de-Seine, les patients ne semblaient pas émus outre mesure de devoir envoyer eux-mêmes à leur caisse primaire les feuilles de soins papier. Certes, Armand Semerciyan les a prévenus que ce jour-là, il ne télétransmettrait pas et qu’il leur reviendrait d’envoyer leur feuille de soins par la poste, mais il ne semble manifestement pas être rentré dans les détails. Tout juste confie-t-il au « Quotidien » que si un patient a des difficultés financières, et craint d’être remboursé trop tardivement du fait de l’envoi par la poste de la FSE, il ne lui fera pas payer sa consultation.
La première patiente sort tout sourire de la salle de consultation. « Le docteur m’a dit qu’aujourd’hui, il ne prenait pas la carte Vitale et que je devrais envoyer moi-même ma feuille de soins. Ca va me coûter un timbre-poste mais je sais d’expérience que le délai de remboursement sera pratiquement le même. Moi, je soutiendrai tout le temps mon médecin généraliste ».
Même tonalité pour la patiente suivante. « Le docteur m’a dit qu’il faisait grève pour protester contre l’État. C’est comme ça, je soutiens mon médecin, même si je sais que le remboursement va prendre un peu plus de temps. Il faut soutenir les médecins et arrêter de les étrangler, ils font suffisamment d’heures de travail comme ça ».
Confiance.
La patiente suivante est tout aussi tranquille. « Je ne sais pas exactement pourquoi mon médecin ne télétransmet pas. Mais ça ne me dérange pas car je suis sûr que c’est pour de bonnes raisons ». Les patients du Dr Semerciyan semblent presque s’être toutes donné le mot, car la suivante enchaîne sur le même mode. « Le médecin m’a dit qu’il ne transmettait pas aujourd’hui. Il n’est pas content de la Sécurité sociale, mais je ne sais plus pourquoi. Ce ne me dérange pas beaucoup, d’autant que ça arrive parfois. J’ai confiance en mon médecin, je vais donc envoyer moi-même ma feuille de soins ». Il faudra attendre l’arrivée d’un cinquième patient pour entendre un commentaire qui puisse s’apparenter à un vague sentiment de regret. « Le seul truc qui me dérange, dit celui-ci, c’est que j’ai une ordonnance pour aller me faire faire une piqûre par une infirmière, qui va me coûter trois euros. Or je vais mettre un timbre à un peu plus de 0,50 euros pour envoyer cette feuille de soins, soit plus de 25 % de ce que je vais être remboursé. À la limite, je ne vais pas demander le remboursement pour si peu. La télétransmission, c’est tout de même pas mal dans la mesure où ça arrive direct à la Sécu qui fait suivre à la mutuelle. »
Si le Dr Semerciyan entend protester contre le projet de taxation des feuilles de soins papier (il est prêt à recommencer au cas où les syndicats renouvellent le mot d’ordre), ses sujets d’agacement ne manquent pas non plus. Il suivra donc également le mot d’ordre syndical de fermeture des cabinets libéraux demain jeudi 11 mars, destiné à susciter des décisions fortes au profit de la médecine générale, comme le droit de coter CS pour les spécialistes en médecine générale.
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