Entretien avec le nouveau président du SMCG-CSMF

Dr Pascal Meyvaert : « Les médecins coordonnateurs des Ehpad sont les oubliés du Ségur »

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Publié le 10/12/2021
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Elu à la tête du Syndicat des médecins coordonnateurs, Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres (SMCG, affilié à la CSMF), le Dr Pascal Meyvaert – lui-même généraliste dans le Bas-Rhin et coordonnateur dans deux Ehpad – plaide pour le droit aux revalorisations du Ségur pour tous ses confrères. Il défend la place du généraliste libéral dans les Ehpad, qu'il juge remise en cause.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Vous voulez faire reconnaître le droit aux revalorisations du Ségur de la santé pour tous les médecins coordonnateurs des Ehpad. Quelle est la situation sur le terrain ?

Dr PASCAL MEYVAERT : Les médecins coordonnateurs sont les oubliés du Ségur dans les Ehpad qui ne sont pas rattachés à un hôpital public ! On se retrouve dans une situation paradoxale, car les personnels non médicaux sont bénéficiaires d'une revalorisation dans le cadre du Ségur de la santé alors que les médecins en ont privés.

C'est injuste et c'est un motif de déception pour beaucoup de médecins coordonnateurs en Ehpad après la crise Covid et le temps qu'ils ont donné. Il y a eu une bonne part de bénévolat, parfois la nuit, les week-ends, sans rémunération, surtout au début quand il n'y avait quasiment rien en place ! Les médecins coordonnateurs ont répondu présents pour les résidents, c'est donc une sacrée douche froide que le gouvernement ait osé nous oublier.

Quels autres dossiers défendrez-vous lors de votre mandat ?

Je veux défendre la place du médecin coordonnateur libéral dans les Ehpad, qui est remise en cause par le rapport Jeandel-Guérin [sur les unités de soins de longue durée et Ehpad, NDLR] publié l'été dernier. Nous avons participé à ce rapport et nous avons ressenti une certaine volonté d'exclure les généralistes des Ehpad, qu'ils soient médecins traitants ou coordonnateurs !

C'est sûr qu'il y a un problème démographique, il y a des territoires isolés ou ruraux où il n'y a plus ni l'un ni l'autre. Le syndicat est membre du conseil national professionnel (CNP) de gériatrie et nous sommes régulièrement obligés de nous battre pour justifier notre place dans les établissements. Certains estiment en effet que la prise en charge par les généralistes n'est pas la plus adaptée pour les résidents fragiles et polypathologiques… Sauf qu'il n'y a pas assez de gériatres non plus pour couvrir les quelque 7 000 Ehpad de France et la tendance n'est pas près de s'inverser. Donc, si on empêche les généralistes de venir, on va aggraver encore la couverture médicale.

Que proposez-vous ?

Les généralistes prennent en charge les personnes âgées à domicile en ville, donc ils peuvent le faire aussi dans les Ehpad. De plus, le médecin traitant est souvent un repère important de la vie d'avant pour la personne âgée qui quitte sa maison, parfois de manière dramatique à la suite du décès de son conjoint. Attention cependant, nous ne sommes absolument pas en opposition avec les spécialistes en gériatrie, avec qui nous devons travailler de concert. Nous avons besoin d'eux en second recours pour nous aider dans la prise en charge de nos résidents.

Les conditions de travail en Ehpad peuvent-elles être améliorées pour les médecins coordonnateurs ?

Oui. S'il y a un manque de ressources humaines au niveau de la coordination en Ehpad, c'est aussi parce que la rémunération n'est pas assez attractive, en particulier quand vous êtes en libéral. S'il faut faire l'effort de donner une partie de son temps pour faire de la coordination, il faut que ce soit rémunéré de manière satisfaisante. Les médecins coordonnateurs sont de plus en plus rémunérés par un salaire et non plus par vacation. Or, souvent, les salaires sont calculés sur un niveau de praticien hospitalier en bas de grille. Quand vous avez 50-55 ans, avec 25 ou 30 ans d'expérience en médecine générale, et que vous vous retrouvez au même niveau qu'un jeune PH, c'est un peu difficile à entendre.

Par ailleurs, le syndicat sera vigilant à ce que la distinction entre le soin et la coordination continue à se faire correctement. Ce sont deux fonctions différentes, si on fait les deux en même temps, le côté coordination – c'est-à-dire la prévention et tout ce qui va avec – risque de disparaître. Si un médecin veut faire dans un Ehpad de la coordination sur un mi-temps et du soin sur un autre mi-temps, il n'y a pas de souci si c'est son souhait. Mais il faut que ce soit sur deux contrats distincts et rien ne doit lui être imposé.

Comment appréhendez-vous la cinquième vague de Covid ?

On a refait à l'automne un gros effort sur la vaccination, afin de porter le rappel vaccinal auprès de nos résidents. Comme pour les deux autres injections, on a un taux vaccinal qui est très élevé dans les Ehpad. On espère que cela va nous protéger comme cela a été le cas sur les deux précédentes vagues. À partir du moment où les résidents ont été vaccinés massivement, on a vu une chute vertigineuse du nombre de contaminations et surtout de cas graves dans les établissements.

Globalement, on est mieux préparé et mieux paré. Le facteur bloquant restera les possibilités d'hospitalisation. Si les lits d'hôpital sont saturés, je crains de revivre la situation qui s'est déjà produite, c’est-à-dire des hospitalisations qui seraient justifiées mais qui ne peuvent pas se faire, parfois en raison du seul critère de l'âge du patient.

Propos recueillis par Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin