LE QUOTIDIEN - Comment jugez-vous les interventions des médias dans les affaires d’erreurs médicales et hospitalières ?
JEAN-PAUL DELEVOYE - Comme tout phénomène de médiatisation, elles peuvent être la meilleure et la pire des choses. La meilleure quand il s’agit de faire appel à la solidarité des Français, avec par exemple une émission comme le Téléthon. La pire, quand elles suscitent la culpabilisation et la peur en cédant aux pulsions émotionnelles. La voix des experts et des analystes peut alors être étouffée par celle des bateleurs d’estrades.
Justement, est-ce que ce n’est pas la pire des choses qui l’emporte aujourd’hui ?
Nous voyons aujourd’hui, alors que nous avons quitté le champ de l’espérance, qu’il est devenu facile de faire de l’Audimat en exploitant les peurs de manière outrancière et systématique. Cette dérive me paraît révoltante et, en tant que médiateur de la République, je voudrais préserver un lieu d’apaisement, un espace de distanciation pour remettre les choses à leur juste place.
Comprenez-vous que les médecins s’inquiètent, dans ce contexte, d’être facilement mis au pilori ?
Si nous nous devons de réagir avec sévérité quand les faits le nécessitent, de grâce, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Ce ne sont pas 5 000 plaintes par an qui sauraient faire oublier que, dans le même temps, cinq millions d’actes chirurgicaux sont réalisés de manière satisfaisante par des médecins qui déploient des trésors de passion et de professionnalisme. Toutes les personnes qui travaillent sur le plan de l’humain ont droit à l’erreur et l’erreur ne saurait bien entendu être traitée comme la faute. À la médiature, nous souhaitons donc éviter que les médecins, de même que les professeurs, ou les magistrats, ne soient victimes de procès médiatiques injustes, dont les sanctions peuvent être plus graves que celles des juridictions. Il est essentiel de préserver le climat de confiance qui préside aux relations entre médecins et patients. Les sondages montrent, à cet égard, que l’impact de la médiatisation de certaines affaires n’a pas altéré la satisfaction exprimée par les Français au sujet de leur système de soins. Il faut absolument préserver le lien de confiance.
*Propos recueillis avant la diffusion de « Peur sur l’hôpital »
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