LE QUOTIDIEN : Pourquoi l'Ordre souhaite une recertification périodique des médecins ? Leur diplôme ne suffit plus ?
Dr PATRICK BOUET : Une majorité de médecins interrogés lors de la grande consultation (56 %) est favorable à une recertification périodique, et seulement un tiers y est opposé. Aucun pays ne considère que la compétence des médecins est garantie par leur diplôme. Elle l'est par la mise à jour des aptitudes des praticiens tout au long de leur carrière. La recertification existe dans tous les pays développés sauf dans le nôtre. Ce ne doit pas être un mécanisme diplômant, les médecins ne seront pas amenés à passer de nouveaux examens. C'est un mécanisme qui doit être géré par la profession avec l'université, les collèges nationaux de spécialité et l'Ordre.
Que doit recouvrir la recertification ?
La recertification est une analyse par les pairs du parcours individuel d'un praticien. Elle permet d'attester périodiquement que le professionnel a suivi une formation continue, qu’il a réalisé un certain nombre d'interventions annuel, et qu’il a suivi les recommandations qui lui ont été faites… Nous souhaitons que cela soit colligé dans un portfolio. La recertification doit permettre des accélérations de carrière. Un médecin hospitalier recertifié devra pouvoir bénéficier d'un changement d'échelon par exemple, et les médecins libéraux, d'un bonus financier, à définir par les partenaires conventionnels. L'objectif n'est pas de sanctionner. Si le praticien n'est pas recertifié, il n'est pas question de le sanctionner. Il faudra l'accompagner. Ses pairs proposeront des solutions telles que des formations complémentaires, des stages dans sa spécialité etc. Les cas seront traités individuellement.
Mais cela ne fait-il pas doublon avec l'obligation de DPC ?
Le DPC n'atteste pas de la compétence. C'est un outil qui consiste à évaluer les pratiques et la formation. Nous le considérons comme un des éléments qui prend part au processus de recertification.
Le Premier ministre a repris votre proposition mais a limité la recertification aux nouveaux inscrits à l'Ordre et aux médecins volontaires. Pourquoi cette césure ?
On ne demandera pas à un médecin de 58 ans de rentrer dans ce processus. Pour eux, la formation continue est suffisante. Nous n'avons pas besoin que 100 % des médecins rentrent dans la recertification maintenant. Mais l'objectif est que dans 15 ou 20 ans, la plus grande partie d'entre eux soient engagés dans ce dispositif. La jeune génération aspire d'ailleurs à cela. Tous les acteurs doivent se mettre d'accord sur ce projet. Cela prendra du temps.
Comprenez-vous l'hostilité des médecins envers la recertification ? Certains disent que l'Ordre n'est plus dans son rôle.
Nous avons pris le risque de porter cette proposition afin d'ouvrir le débat. Si la profession ne le fait pas, ce seront les pouvoirs publics qui le feront. La compétence relève des missions de l'Ordre depuis 2009, nous sommes légitimes sur ce sujet ! C'est pourquoi nous piloterons le processus.
Huit internes qui avaient suivi leur cursus dans l'union européenne ont été suspendus en Ile-de-France pour incompétence. La recertification s'appliquera-t-elle aux médecins étrangers ?
Un quart des nouveaux médecins inscrits à l'Ordre ont été diplômés à l'étranger. Nous n'avons pas de système qui suit les parcours de ces professionnels. Globalement, la recertification peut être un moyen d'accélérer leur intégration. Tous les médecins exerçant sur le territoire national, qu'ils soient issus des universités françaises, européennes ou extra-européennes, devront suivre un parcours qui répond aux mêmes protocoles. C'est fondamental.
Avez-vous des exemples de pays pratiquant la recertification sur lesquels la France peut s'appuyer ?
Nous avons analysé les modèles anglo-saxon, canadien, néerlandais et allemand mais ce qui nous a gênés dans beaucoup d'entre eux, c'est l'aspect "rediplômant". Les Hollandais ont raisonné différemment, ils soutiennent le parcours professionnel individuel. C'est un modèle qui nous paraît plus proche du médecin et de sa réalité.
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