Un contrat de 35 heures sous le statut de fonctionnaire territorial

La Saône-et-Loire va salarier 30 généralistes dans un centre de santé multisite

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Publié le 26/06/2017
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Voilà une initiative inédite qui modifie la donne en matière de démographie médicale. Le département de Saône-et-Loire, déjà connu pour ses mesures incitatives (installeunmedecin.com), change de braquet pour combattre la désertification. Son président André Accary (LR) va recruter et salarier une trentaine de généralistes.

Son projet de création d'un centre de santé départemental a été dévoilé jeudi dernier. Depuis mars 2017, le département est en contact étroit avec l’agence régionale de santé (ARS), la caisse primaire, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), les communes et l'Ordre départemental afin de s’assurer de la faisabilité du projet.

Un tiers des généralistes ont plus de 60 ans

Le département compte seulement 635 généralistes (tous modes d'exercices) soit une densité de 110,4 pour 100 000 habitants (contre 130,9 en France). Près de 35 % d'entre eux ont la soixantaine. « Les mesures incitatives que nous avons mises en place ont atteint leurs limites, confie André Accary au "Quotidien". Ça ne fonctionne pas ».

L'idée est de recruter à partir de 2018 une trentaine de généralistes (dix la première année) qui travailleront aux 35 heures, sous le statut de fonctionnaires territoriaux. Ils seront répartis, en fonction des besoins analysés par l'ARS et les communes, sur trois pôles et dix antennes d'un seul et unique centre de santé départemental.

Ambitieux, le budget 2018 inclut dix généralistes (à raison de 100 000 euros de salaire brut annuel incluant les charges patronales), cinq équivalents temps plein (ETP) pour le secrétariat médical, administratif et financier (40 000 euros) et 1 ETP responsable administratif (75 000 euros). Sans oublier 185 000 euros d'achats, services extérieurs, d'amortissement et gestion du tiers payant. Le coût annuel total s'élève donc à 1 460 000 euros.

Côté recettes, le département prévoit 39 690 actes à 25 euros (soit 992 000 euros), plus 268 000 euros de recettes diverses (rémunération de l'assurance-maladie, subvention de l'ARS, participation des communes) et 200 000 euros de subvention spécifique du département, soit 1 460 000 euros. Le dossier sera bouclé début octobre, y compris pour le choix des sites d'implantation. En novembre, le département recrutera les praticiens et le personnel administratif pour une ouverture début 2018. « Mon secrétariat me dit qu'il reçoit plein de propositions de médecins », glisse l'élu.

Un médecin qui part, c'est un village qui meurt

Concurrence déloyale ? Subvention coûteuse ? Cette initiative jette le trouble chez les syndicats de libéraux d'autant qu'elle émane de la droite. Cette médecine aux conditions « alléchantes » « risque de coûter cher au contribuable », tranche la branche généraliste de la CSMF. Pour son président, le Dr Luc Duquesnel, « il serait plus utile de revaloriser la médecine libérale ». Au SML, le Dr Philippe Vermesch prévient que « les médecins n'ont pas vocation à devenir des employés communaux et que les patients n'aspirent pas au retour des dispensaires ». Plus nuancée, le Dr Jean-Paul Hamon, chef de file de la FMF, salue l'initiative d'André Accary « qui a compris qu'un médecin qui s'en va, c'est un village qui meurt ». Pour autant, fonctionnariser des médecins pour remplacer les libéraux « n'est pas une solution aux problèmes d'installation ». Reste à savoir si l'opération de la Saône-et-Loire donnera des idées à d'autres départements…  

 

 

 

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9592