TRÈS ATTENDUS, les résultats des élections aux Unions régionales de professionnels de santé (URPS) composent un nouvel échiquier syndical complexe où cohabitent plusieurs forces, reflet d’un vote articulé pour la première fois en trois collèges (généralistes, plateaux techniques et autres spécialistes), ce qui n’en facilite pas la lecture politique. À noter que la participation a été légèrement plus faible qu’en 2006, signe de la confiance relative que les médecins libéraux accordent à leurs représentants et au système conventionnel.
Tous collèges confondus (voir graphique), la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui a construit sa campagne sur le pilonnage de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires), remporte les élections avec 35 % des suffrages devant le Syndicat des médecins libéraux (SML) à 23 %, MG-France (18 %, présent uniquement chez les généralistes), la Fédération des médecins de France (FMF) à 15 %, le BLOC (5 %) et Union Collégiale (3 %). L’axe politique CSMF/SML sort donc conforté avec près de 60 % des suffrages médicaux. D’ores et déjà, la CSMF a appelé le gouvernement à se « ressaisir » et à changer de politique.
Généralistes : éparpillement.
A l’issue de ce scrutin de liste à un seul tour, plusieurs syndicats peuvent avoir le sourire.
Chez les 55 000 généralistes, MG-France, qui avait déjà remporté les élections 2006 dans ce collège avec 31 % des voix, maintient son leadership avec sensiblement le même score. Il devance l’UNOF-CSMF (27 %) puis le SML (19 %) qui gagne huit points, récompense d’une campagne de terrain très efficace. MG-France recueille les fruits de son « repositionnement » stratégique opéré en 2010 sous la houlette de son nouveau président, le Dr Claude Leicher, avocat d’une ligne beaucoup plus offensive que son prédécesseur contre le gouvernement. En quelques mois, MG-France, qui avait soutenu politiquement la loi HPST au nom de la reconnaissance du médecin du premier recours, s’est retrouvé dans le camp des opposants (faute de traduction de la loi Bachelot) et surtout à la pointe du combat pour l’équité tarifaire symbolisé par la cotation CS. Dans ce même collège généraliste, l’UNOF-CSMF fait un peu mieux qu’en 2006. Ce syndicat a mené non sans succès le combat pour le C à 23 euros, convainquant nombre de médecins de facturer d’autorité ce tarif (que Nicolas Sarkozy a promis pour janvier 2009). En revanche, la FMF (Union Généraliste) peut nourrir de vrais regrets. Le syndicat du Dr Jean-Claude-Régi, dont la branche généraliste avait fusionné avec Espace Généraliste, réalise un faible score (17 %), très inférieur à l’agrégation des listes séparées de 2006. Son chef de file, le Dr Jean-Paul Hamon, évoque une « immense désillusion » dont il faudra tirer les leçons. Quant à Union Collégiale, qui prétendait défendre la voix des médecins à expertise particulière, elle réalise un score modeste avec 3 % des voix.
Le BLOC à bloc.
Dans le nouveau collège des plateaux techniques (où les médecins se sont davantage mobilisés que la moyenne), la « surprise », que « le Quotidien » avait éventée dans son sondage d’opinion exclusif (notre édition du 21 septembre), est la spectaculaire percée du BLOC qui se paie le luxe d’arriver de très loin en pôle position avec 53 % des voix. Dans certaines régions, c’est même le raz-de-marée (8 sièges sur 11 en Ile-de-France, 3 sur 4 dans le Limousin...). Ce syndicat n’existait pas en tant que tel il y a seulement quelques semaines puisqu’il est issu de la réunion des anesthésistes de l’AAL, des chirurgiens de l’UCDF et des obstétriciens du SYNGOF. C’est pourtant bien cette nouvelle structure syndicale qui, avec une voix sur deux, dame le pion aux centrales polycatégorielles historiques puisqu’elle devance la CSMF (22 %), le SML (17 %) et la FMF (7 %), qui essuie de lourdes pertes. L’indéniable succès du BLOC lui ouvre la voie de la représentativité syndicale. Ce serait une nouvelle tribune pour les plateaux chirurgicaux.
Enfin, dans le collège des « autres spécialistes », la CSMF (UMESPE) reste sans rival. Avec 52 % des voix, la Confédération supplante largement tous ses concurrents, le SML et la FMF ne recueillant respectivement que 31 % et 15 % des voix. Là encore, le SML fait beaucoup mieux qu’en 2006 alors que le revers est sérieux pour la FMF qui, à l’époque, était au coude à coude avec la CSMF chez les spécialistes. Dans ce collège spécialiste, l’ensemble CSMF/SML, très hostile à la politique du gouvernement, est plus que jamais incontournable (83 % des voix).
Le gouvernement et la direction de l’assurance-maladie vont analyser attentivement ces élections. Les enjeux sont lourds puisqu’il s’agit de négocier une nouvelle convention pour cinq ans, en s’appuyant sur un axe majoritaire, mais aussi de « nouer » des alliances à moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle. Ce ne sera pas si simple car, malgré l’axe solide CSMF/SML, ce scrutin confirme l’incroyable morcellement du corps médical libéral et la vigueur des discours monocatégoriels.
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