La souffrance au travail franchit les portes de l’école. Un agent de l’Éducation Nationale sur 7 (14 %) se sent épuisé professionnellement, révèle une enquête* de la plateforme Carrefour santé social, créée en 2005 par la mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) et des fédérations et syndicats du secteur**. Près d’1 agent sur 4 (24 %) se déclare « tendu », c’est-à-dire souffre d’une forte demande psychologique sans avoir de latitude décisionnelle, selon le questionnaire référence dit de « karasek ». Cette proportion est 2 fois plus élevée que chez les cadres étudiés par l’enquête SUMER de 2003 en population générale. Les personnels de l’Éducation Nationale sont également 13 % à se déclarer « détendus » (sans grande demande psychologique mais avec un fort pouvoir décisionnel) ce qui représente moitié moins que les cadres (24 %) ou l’ensemble des salariés (25 %), alors qu’ils se disent aussi actifs.
« Les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les personnels techniques et administratifs sont les plus exposés à la tension au travail. Parmi les enseignants, les instituteurs et professeurs des écoles sont les plus en risque », précise le Carrefour santé social. À l’inverse, les professionnels du secteur santé et social, de l’université ou de la recherche sont peu touchés. Le phénomène est inquiétant, estime Élizabeth Labaye, secrétaire nationale de la fédération syndicale unitaire (FSU) : « Le stress, avant concentré au collège, atteint désormais l’école primaire qui était jusqu’alors un cocon et gagne le lycée où la latitude décisionnelle est censée être grande ». Il touche notamment les plus de 55 ans, souvent victimes (18 %) de burnout.
« Plein le dos ».
Les douleurs musculo-squelettiques émergent dans le paysage de l’éducation nationale jusque-là préservé. La majorité des agents relatent des troubles musculo-squelettiques cette dernière année, en particulier à la nuque et au cou (78 %), au bas du dos (75 %), à l’épaule (60 %), aux genoux et à la jambe (54 %). « On a mal au dos parce qu’on en a plein le dos », ironise Élizabeth Labaye. Selon la secrétaire nationale, « la formation qu’on reçoit ne prévient pas ces problèmes, nous ne savons pas poser la voix, nous sommes souvent debout, et le matériel n’est pas ergonomique ! ».
Avec cette étude, syndicats, fédérations et mutualité espèrent sensibiliser les pouvoirs publics, à commencer par leur employeur. « Nous retrouvons les mêmes logiques de management dans le public que dans le privé », dénonce Élizabeth Labaye. Suppressions de postes, réduction des heures de cours donc intensification des enseignements, nombre d’élèves par classe, « réformes à la hussarde », injonctions contradictoires, et presque aucun médecin de prévention (1 pour 16 000 agents), le faisceau de facteurs contribuant à « détériorer » l’Éducation Nationale est large, selon la secrétaire Nationale de la FSU. Elle attend beaucoup des Comités d’Hygiène, de Sécurité, et des Conditions de Travail installés depuis le 1er janvier 2012 à la place des comités d’hygiène et de sécurité (sans médecine du travail). Et encore plus de la campagne présidentielle, qui devrait, souhaite-elle, s’emparer d’une question qui touche aussi les élèves.
*Enquête réalisée par questionnaire en ligne du 16 mai au 31 août 2011 sur plus de 5 000 agents de l’éducation nationale dont 4 000 enseignants.
**Les fédérations FSU, UNSA-Education et Sgen-CFDT, et les syndicats SNES, SNUipp, SE-UNSA et SNPDEN.
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