Comment aider un médecin débordé à orienter un patient atteint d'une pathologie chronique ou d'un handicap dont la complexité nécessite des ressources sanitaires, sociales et médico-sociales ? Comment organiser une sortie rapide d'hôpital ? Identifier une aide à domicile ou une place disponible en EHPAD ?
Prévues dans la loi de santé, les nouvelles fonctions de soutien pour la prise en charge de situations particulièrement lourdes ou compliquées commencent à voir le jour à la faveur de plateformes territoriales d'appui (les PTA). Il s'agit d'un guichet intégré avec une offre de services sur un territoire donné (secrétariat par exemple).
Bonne idée sur le papier, cette réforme s'adresse en priorité aux médecins de ville (et en premier lieu aux médecins traitants), l'enjeu étant d'offrir à terme aux professionnels un point de contact et d'accès unique et une réponse dans les 24 heures. Le décret du 4 juillet précise à cet égard que c'est bien « le médecin traitant, ou un médecin en lien avec ce dernier » qui déclenchera les services de la plateforme. Côté projets, le gouvernement s'engage à donner la priorité aux initiatives des libéraux (éventuellement constitués en équipes de soins primaires ou communautés professionnelles territoriales).
Les PTA ont commencé à fleurir dans l'Hexagone : Odyssée (Yvelines) à l'initiative du réseau éponyme, Palex (Mayenne) porté par six maisons de santé, Apport Santé (Bouches-du-Rhône) ou encore Santé Landes, un projet déployé dans le cadre de l'expérimentation Territoire de soins numérique… Mercredi dernier, c'est la PTA 94 ouest (Val-de-Marne) qui a été inaugurée. Cette fois, c'est le réseau polythématique ONCO 94 qui a été choisi à la fois comme composante et opérateur de cette plateforme. Une trentaine de projets seraient engagés ou aboutis.
À Lorient, le coup de gueule des libéraux
Au ministère de la Santé, on salue la dynamique territoriale, preuve du virage ambulatoire. On se veut rassurant sur le fond comme sur la forme. « Il n'y aura pas de modèle unique de plateforme », « la priorité est donnée aux libéraux », « on veut privilégier le retour d'expériences », explique la Direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère) au « Quotidien ».
Il y a une semaine pourtant, la conférence nationale des URPS « médecins libéraux » a haussé le ton. Dénonçant « la mise à l'écart des professionnels de santé libéraux », la conférence s'est élevée contre la volonté de certaines agences régionales de santé de conduire des projets « à marche forcée ». À la clé, un vrai risque de marginalisation des libéraux au profit « d'acteurs hospitaliers, telle la HAD » dans la réorganisation territoriale.
« Ce coup de semonce est arrivé au bon moment, se réjouit le Dr Philippe Boutin, président CSMF de la conférence nationale des URPS-ML. Il fallait stopper ce début de dérive étatique, les libéraux n'accepteront pas d'être sur le bord de la route. Depuis quelques jours, les choses vont à nouveau dans le bon sens. » Mais partout les URPS médecins libéraux seront vigilantes dans la conduite des projets…
À Lorient, c'est la Fédération des médecins de France (FMF) qui vient de dénoncer le « court-circuitage » des libéraux par l'ARS. Sur la région a été organisé un dispositif de retour rapide à domicile après interventions chirurgicales. Mais à en croire le syndicat, c'est la HAD locale qui « va gérer le dispositif, et donc bien sûr, recevoir le budget », les libéraux se contentant de « remplir les dossiers car eux connaissent les patients ».
La réforme devra faire ses preuves. « C'est un pari que les libéraux peuvent relever, la plateforme ce n'est surtout pas l'hôpital + la HAD », explique le Dr Bernard Ortolan, coprésident du réseau Onco 94 Ouest qui vient de contractualiser avec l'ARS francilienne pour constituer une grosse plateforme territoriale (en partenariat avec un réseau de santé mentale, une structure HAD, deux CLIC spécialisés dans l'accompagnement social des plus de 60 ans, une MAIA pour les maladies neurodégénératives et trois hôpitaux). Le financement a déjà permis de recruter un poste de médecin coordonnateur et une assistante sociale.
Une réunion sur le sujet est prévue le 10 octobre au ministère de la Santé, l'occasion de dissiper les malentendus éventuels.
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