Convoqué par sa caisse en juillet 2016 pour « un excès de prescriptions de transports par rapport à la moyenne départementale » sur le premier trimestre, le Dr Jacques Émile, médecin généraliste à Salies-du-Salat (Haute-Garonne) a décidé de ne pas se laisser faire. « J'étais à 14,6 prescriptions [de transports] pour 100 consultations, soit un coût de 4 200 euros, alors que la moyenne du département est de 7 pour 100, explique au "Quotidien" le Dr Émile. En venant avec mes relevés du trimestre, j'ai justifié mes prescriptions de transport, cohérentes avec les spécificités de ma patientèle, par ailleurs plutôt âgée. »
Surtout, le généraliste de 64 ans n'apprécie pas l'« accompagnement personnalisé » proposé par la caisse primaire, afin de lui présenter « différents cas cliniques » liés à ces prescriptions, avec un bilan prévu après trois mois ! « Ce ne sont pas des méthodes acceptables, cela ne va pas pousser les jeunes à venir s'installer ici », se désole-t-il.
Le loup, la bergerie et les patous
Il décide alors de rédiger une missive à la fois ferme et humoristique, adressée à sa CPAM mais aussi à la CNAM et à ses confrères. « Est-il légitime en vertu d'un délit statistique présumé de mettre la pression sur les généralistes ? », commence le médecin qui souligne la souffrance de la profession face à « la pression exercée par l'assurance-maladie sans écoute préalable (...) qui génère de la colère, du ressentiment ». « Vous me faites penser à un certain loup qui voulant se rapprocher au plus près de la bergerie s'était affublé d'une peau de mouton sans se douter que sous son camouflage pointaient ses oreilles et sa queue. Sous la doucereuse laine de l'accompagnement pointent les crocs… de la seule maîtrise comptable ! », raille le Dr Émile pour épingler les méthodes de la Sécu.
Et de filer la métaphore : « Dans nos Pyrénées existe une race de chiens élevés au sein des troupeaux : les patous (...) Ils sont dotés de solides mâchoires et capables de mettre en fuite nombre de loups (...) Ces chiens exceptionnels ont à leur tête un chef valeureux toujours prêt à en découdre : moi, continue le médecin. Si d'aventure, en vos bureaux feutrés, la vue de mes déviances statistiques vous donne quelques émois, réfléchissez avant de m'interpeller : du fond de mon désert, je ne suis pas sûr d'avoir encore l'envie ni le temps de vous répondre. » À bon entendeur...
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