Dans une lettre ouverte publiée ce lundi, quinze généralistes de Poissy s’indignent de la volonté de leur maire de remettre en cause leur indépendance professionnelle et de faire pression pour réduire le nombre d’arrêts de travail prescrits aux agents municipaux.
Le 4 mars dernier, Karl Olive adressait aux médecins de la commune des Yvelines un courrier dans lequel il les invitait à « faire preuve d’une vigilance accrue »dans ce domaine. Le maire entendait traquer les arrêts de travail de complaisance, selon lui coûteux pour la collectivité et source de désorganisation dans les services. Il est « indispensable de réduire au maximum ces pratiques que je ne saurais accepter plus longtemps », écrit avec autorité Karl Olive, à l'adresse des médecins.
Après la Sécu, les maires ?
« La lettre est finement tournée et n’accuse personne directement, note le Dr Christian Lehmann, l’un des quinze signataires, interrogé par « L’humanité » (édition du 11 avril). Mais ce qu’on lit entre les lignes est clair : les médecins généralistes accorderaient trop d’arrêts. C’est un discours insupportable, parce qu’il est totalement faux. »
Dans leur lettre ouverte, les généralistes dénoncent cette ingérence du maire alors que cela ne relève pas, selon eux, de sa « responsabilité » ni de ses « prérogatives ». « La Sécurité sociale se charge déjà de ”surveiller nos prescriptions” […]. Cela suffit », s’indignent les signataires.
Sidérés par l’initiative de Karl Olive, ils renvoient le maire à ses responsabilités : « Un chef d’entreprise confronté à l’impact des arrêts de travail parmi ses employés, plutôt que d’incriminer les professionnels de santé, pourra utilement se poser la question du management et de la gestion des ressources humaines au sein de cette entreprise. »
« Médecins aux ordres »
Sur les réseaux sociaux, c’est l’indignation.« Médecins aux ordres. Dans quel système vit ce maire », tweete le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML (Union française pour une médecine libre).
« C’est une manœuvre d’intimidation insupportable, dénonce le Dr Jean-Paul Hamon. Ce genre d’initiative est très mal vécue par la profession. » Un autre médecin de la FMF, le Dr Thierry Lemoine a tourné en dérision l’initiative du maire de Poissy en parodiant sa lettre. « J’ai décidé de faire de la lutte contre les mauvaises conditions de travail génératrices de pathologies une priorité au sein de mon cabinet », écrit le généraliste, invitant le maire à une « vigilance accrue » concernant les conditions de travail des agents municipaux.
Contacté par « le Quotidien », Karl Olive n'a pas été en mesure de répondre à nos sollicitations.
Mise à jour (18h50) : « Prévenir pour réduire les arrêts » avance le maire
Dans un communiqué diffusé en début de soirée, le maire de Poissy affirme ne pas « s’ingérer dans la mission des 45 médecins généralistes qui ont reçu cette lettre ». Selon lui, il s’agit simplement de sensibiliser les médecins aux conséquences de l’absentéisme et d’inviter le corps médical à orienter les patients vers le médecin de prévention « dès lors qu['ils] aur[ont] décelé que les difficultés évoquées par ces agents sont en lien direct avec le travail ! ». Karl Olive demande par ailleurs à la CPAM de mener des contrôles auprès des agents arrêtés. Selon lui, l’absentéisme « représente 20 000 heures par an et un coût de 2 millions d’euros sur le budget de la collectivité, sans oublier les conséquences sur la qualité du service rendu aux administrés ».
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