EXERCER à distance comporte des risques à ne pas négliger. À Bordeaux, un médecin régulateur du SAMU s’est fait condamner pour être passé à côté d’une rupture de l’aorte. Le tribunal de Nanterre a condamné un spécialiste qui analysait des ECG que lui adressaient des généralistes par Internet. Il n’était pas inscrit au tableau du conseil de l’ordre.
Depuis 2010, un décret encadre le champ de la télémédecine (il prévoit la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance, la réponse médicale dans le cadre de la régulation...). Le téléconseil, lui, reste ignoré par la loi. « Si ce n’est pas dans la loi, c’est hors la loi », déplore le Dr Loïc Étienne, pionnier du conseil en ligne. Ce médecin de SOS s’est lancé sur Minitel dès 1987, avant de fonder docteurclic.com en 2000 (qu’il a quitté en 2009). « L’avis donné en ligne engage la responsabilité du médecin, met-il en garde. Le patient peut attaquer. Cela arrivera un jour ou l’autre à l’un de nous ».
Face au flou juridique, le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) préconise la plus grande prudence. « Le médecin qui fait du téléconseil doit avoir un contrat détaillé et une assurance adaptée », conseille le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM. La Médicale de France serait pour l’heure l’unique assureur à couvrir le téléconseil.
Autre impératif : « Le médecin doit être rémunéré au temps passé. Pas au rendement ». Le code de la santé publique stipule en effet que « l’avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire ». Certes. Mais qui veille au respect de ces règles ? L’Ordre ne paraît pas armé pour explorer la nébuleuse Internet. Pour le Dr Lucas, les autorités doivent répondre à un autre paradoxe : « Le médecin qui par téléphone conseille son propre patient pour un sujet grave ne peut être payé, alors que celui qui donne des conseils à des inconnus sur Internet touche de l’argent! ».
Label souhaitable
Certains pays ont misé sur le téléconseil pour réguler les flux de patients. La Suisse dispose ainsi de deux call-centers traitant chaque jour plusieurs milliers de consultations à distance (le patient peut par exemple envoyer une photo de son grain de beauté douteux). En Angleterre, le service téléphonique « NHS direct », disponible 24H/24, aurait permis d’éviter 1,6 million de rendez-vous inutiles en cabinet médical. Soit une économie de 105 millions de livres pour le NHS.
En comparaison, la France accuse un sérieux retard. La priorité, aux yeux du CNOM, c’est d’accompagner et d’encadrer le téléconseil - surtout pas de l’interdire. « Le service rendu est plus important que les dérives éventuelles, considère le Dr Lucas. Il faudrait une labellisation de ces pratiques pour connaître l’origine des fonds finançant les sites. Nous souhaitons que la loi de santé publique prévue en 2014 se saisisse de cette question ».
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