C'est une mission de trois mois qui vise à proposer des mesures « opérationnelles » afin de généraliser à l'ensemble du territoire, d’ici à fin 2023, les CPTS, ces pools de libéraux de santé censés structurer les soins primaires en miroir de l'hôpital.
La ministre des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a saisi trois personnalités à cet effet : la Dr Marie-Hélène Certain, généraliste aux Mureaux, Albert Lautman, directeur général de la CPAM de l’Essonne, et Hugo Gilardi, DG de l’agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France. « Nous allons visiter 18 CPTS, une par région, et échanger avec les professionnels de santé qui adhérent à ces structures, mais aussi ceux qui n'y sont pas, pour comprendre leurs réticences, leurs craintes », confie Albert Lautman. Ces échanges de terrain devraient être nourris par un court questionnaire envoyé à l'ensemble des CPTS. Les URPS et les Ordres seront appelés à contribution.
Déploiement variable
« Aujourd’hui, le déploiement des CPTS reste variable d’un territoire à l’autre », rappelle Agnès Firmin Le Bodo dans sa lettre de mission aux trois copilotes. Et sur les 781 CPTS répertoriées, seules 391 structures ont signé un contrat ACI (accord conventionnel interpro) qui les lie à l'Assurance-maladie et à l'ARS. Les CPTS couvrent « 48,5 % de la population », indique Agnès Firmin Le Bodo. Et seules la région Centre-Val de Loire, la Martinique et la Réunion disposent d’assez de pools de libéraux pour couvrir 100 % de leur population, objectif fixé par l'exécutif.
Sur le terrain, le Tour de France devra « identifier les freins, les attentes (...) mais aussi les irritants qu’il peut y avoir dans certaines zones pas encore couvertes par les CPTS », précise Albert Lautman. De fait, nombre de libéraux ne perçoivent pas les avantages de ces groupements, perçus comme de nouvelles strates dans le millefeuille administratif du système de santé. Les échanges doivent permettre de « mesurer l’apport de ces communautés et identifier les facteurs clés de leur succès », insiste le ministère.
Sortir de l'isolement
Quatre ans après leur lancement par Agnès Buzyn, « la dynamique des CPTS reste bonne », positive Albert Lautman. La visibilité de ces structures a été dopée par les centres de vaccination Covid « qui ont donné envie aux professionnels de santé de travailler ensemble et de se connaître », analyse-t-il.
« C'est extraordinaire de voir le nombre de CPTS qui se sont montées dans un temps court », abonde la Dr Marie-Hélène Certain. Généraliste en MSP et membre « très impliquée » de la CPTS Val de Seine, cette dernière voit dans ces communautés un levier pour « apporter du collectif, au service de la qualité des soins mais aussi du confort de travail personnel ». La généraliste se dit « très frappée par l’isolement de certains soignants ». « Aujourd’hui comment voulez-vous être seul pour faire face aux problématiques de santé ? », s’interroge-t-elle, alors que l’échelle de la CPTS permet à tous les médecins, « même ceux qui exercent seuls ou à deux, de se trouver pour des temps d’échanges, des projets ».
Toutefois, attention à ne pas démotiver les soignants, prévient la généraliste des Yvelines. « La question du temps [de construction de la CPTS] est centrale, il ne faut pas chercher à aller trop vite », met en garde la Dr Certain. À défaut, le risque « serait de couvrir le territoire de coquilles vides ». La généraliste invite à laisser aux équipes le temps de monter des projets concrets, tout en outillant et formant les coordinateurs et les professionnels de santé.
Autre écueil qui peut freiner l’adhésion : « lorsque la CPTS devient l’objet qui sert à tout, avec des injonctions descendantes », souligne la Dr Marie-Hélène Certain. Elle rappelle que ces communautés libérales doivent partir des besoins de la population.
Prévention, permanence des soins, accès aux soins
La mission devrait dresser des pistes d’évolution des CPTS « pour mieux lutter contre les inégalités d’accès à la santé », autour de la prévention mais aussi de l’organisation de la permanence des soins. « Nous n’avons pas d’idées préconçues », assure Albert Lautman, qui rappelle l'hétérogénéité du secteur. « Certaines communautés organisent des dépistages du cancer de manière très active, d’autres se mobilisent pour trouver des médecins traitants à des patients fragiles, c’est une approche territoire par territoire », explique-t-il. Le directeur de Cpam espère que ce Tour de France pourra « faire émerger des bonnes pratiques, des recettes qui fonctionnent bien ».
Le rapport est attendu pour le 15 juin. Les recos seront mises en œuvre au second semestre 2023.
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