Les Maladies inflammatoires chroniques des intestins (MICI) touchent 250 000 personnes en France, avec un pic d’apparition de la maladie entre 18 et 35 ans.
À Toulouse, le service de gastro-entérologie du Dr Jacques Moreau, centre de référence, soigne une file active de 600 à 700 patients, et connaît bien les effets secondaires de ces maladies chroniques… en théorie. Car en pratique, les 24 dernières heures vécues par l’équipe de soins ont produit quelques surprises. Il est 12 H dans une salle du CHU et toute l’équipe s’installe autour d’une table pour « débriefer » en présence des représentants de Takéda, le laboratoire japonais qui a mis au point l’application In Their Shoes. Éric Balez, vice président de l’Association François Aupetit (AFA), partenaire de l’expérience est là aussi. « Comment allez-vous ce matin ? », leur demande la représentante de Takéda, « On va follement bien, mais on est fatigués au bout de seulement 24 heures, alors j’imagine que pour les patients… (c’est), c’est encore plus intense », lance Sandra infirmière éducatrice du service.
Un avatar de patient
Depuis la veille 14 heures, tous sont équipés d’un kit sous forme de petit sac garni d’enveloppes à n’ouvrir que sur demande, qu’ils ont amené partout. Ils ont aussi téléchargé l’application In Their Shoes sur leur téléphone mobile, sur laquelle ils se sont créé un avatar de patient atteint de RCH. Pendant les 24 h qui viennent de s’écouler, ils ont relevé tous les défis reçus par notification sur leur portable afin que leur avatar aille le mieux possible ! Certaines missions se sont reproduites plus de dix fois en 24 heures, notamment la nécessité de trouver des toilettes en moins de trois minutes et la consigne d’y rester parfois jusqu’à ¼ d’heure en cas de diarrhées (l’un des effets très handicapants de ces maladies). L’obligation aussi de porter une ceinture serrée sur l’estomac pendant plusieurs heures pour prendre conscience de la gêne abdominale et des douleurs supportées par les patients. « Avec l’inconfort provoqué par cette ceinture j’ai vraiment réalisé l’impact sur le quotidien », reconnaît Myriam infirmière en consultation d'éducation thérapeutique.
Des consignes données par téléphone pour réaliser un prélèvement de selles, ou les équipements à prévoir en cas de long voyage ont ponctué le test. Pour le Dr Moreau aussi : « L’expérience a été plus que riche, c’est vraiment un moyen de cultiver l’empathie avec nos patients, et de nous éduquer en tant que soignants », souligne-t-il. Pour tous, le point d’orgue a été l’appel d’une comédienne se faisant passer par une infirmière annonçant la nécessité d’un rendez-vous médical en vue d’une intervention chirurgicale avec stomie définitive. « En tant que soignants et éducateurs, nous étions déjà informés, mais on réalise là la nécessité de mieux informer les patients en amont, et de travailler sur l’annonce des diagnostics », reconnaît Myriam. Le Dr Cyrielle Giletta a elle aussi mesuré l’impact des mots. « Ce matin, j’ai partagé l’expérience avec un patient à l’occasion d’une endoscopie », raconte la jeune gastroentérologue.
Éducation thérapeutique et annonce
La prise de conscience marque pour ces soignants la nécessité d’améliorer l’éducation thérapeutique et un diagnostic d’annonce progressif de la maladie. « Nous essayons de fabriquer à Toulouse un programme idéal d’éducation thérapeutique du patient pour faire comprendre à ce dernier comment découvrir sa maladie, en devenir acteur ; adapter son quotidien y compris au plan psychosocial », décline le Dr Moreau qui a organisé dans la foulée de cette expérience la 2e réunion nationale d’éducation thérapeutique pour les MICI le 28 avril à Toulouse. L’expérimentation de l’application In Their Shoes se poursuivra quant à elle en septembre 2017 auprès d’une trentaine d’autres soignants dans toute la France. Elle devrait cette fois durer 48 heures et intégrer des défis en lien avec les prises de médicaments et leurs effets secondaires, pour tenir compte des remarques de l’équipe toulousaine.
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