Un médecin au chômage, c’est peu banal. C’est pourtant la situation de la Dr Angélique Roby. Cette généraliste de 43 ans a été licenciée il y a 10 jours par le centre de santé Saint-Vincent-de-Paul qui l’employait depuis avril 2021 à Le-Buisson-de-Cadouin (Dordogne). Confrontée à de grosses difficultés financières, cette structure gérée par une association à but non lucratif, qui emploie 8 infirmières et 10 aides-soignantes, a été contrainte de se séparer de son unique médecin pour motif économique.
Cette décision suscite la colère du Dr Roby, qui n’avait pas vu le coup venir. « Tout se passait bien depuis mon arrivée. Le nombre de patients augmentait régulièrement, tout le monde était content. En avril 2022, je suis même passée d’un mi-temps à 75 % du temps de travail », raconte la jeune femme au « Quotidien ».
Invitée à augmenter son nombre de consultations
Les ennuis arrivent au mois de juin. Elle est convoquée une première fois par la direction du centre, renouvelée depuis l’embauche de la praticienne. « On a commencé à me parler des problèmes financiers du centre de santé, explique-t-elle. On me dit également qu’il va falloir que je prenne plus de patients à l’heure. J’en voyais entre 2 et 3, il fallait que je passe à 4 ou 5. » Refus catégorique de la praticienne qui ne veut pas faire de l’« abattage ». « Ce n’est pas ma conception de la médecine. Je ne vends pas des sardines sur un marché, je m’occupe d’êtres humains », répond-elle à ses interlocuteurs. La médecin se voit reprocher de ne « pas être rentable et de mettre en péril le centre de santé et l’activité des autres salariés ».
Elle propose d’embaucher une assistance médicale pour la décharger des tâches administratives et augmenter son temps médical. « On n’a pas les moyens », lui répond la direction. Quelques semaines plus tard, le verdict tombe : la Dr Roby est convoquée à un entretien préalable au licenciement. Elle quitte définitivement le centre le 8 août dernier.
Inquiète pour ses patients
« Je ne m’inquiète pas pour moi bien sûr. Mais pour mes patients qui ont des difficultés à retrouver un médecin », regrette la généraliste qui se dit très attachée à sa patientèle et qui maintient un contact, notamment par courrier électronique, pour assurer un suivi de certains d’entre eux. La situation est tendue dans les environs. Les deux généralistes installés sur la commune sont déjà surchargés et peinent à prendre de nouveaux patients.
La médecin est d’autant plus amère qu’il existait selon elle des solutions. La communauté de communes et le département étaient prêts à prendre en charge son salaire jusqu’à la fin de l’année, dit-elle. Le centre a refusé. Elle regrette également de subir les conséquences des errements financiers de son employeur. « Ce n’est pas moi qui ai postulé, on est venu me chercher ! Ils m’ont embauchée alors qu’ils étaient déjà en déficit », pointe la médecin.
L’ARS avait pourtant subventionné l’établissement en 2016, lors de sa création, en lui octroyant une aide de 50 000 euros. C’est ce que l’agence a rappelé à la Dr Roby qui la sollicitait après l’annonce de son licenciement. « Il s’avère que malheureusement l’activité médicale du centre a été insuffisante pour garantir sa viabilité économique », lui répond l’ARS par courrier, sans proposer plus de solutions.
Une question de survie, plaide la direction du centre
Contactée par « Le Quotidien », la direction du centre Saint-Vincent-de-Paul se dédouane et accuse la précédente direction de mauvaise gestion. « Le contrat accordé au médecin était démesuré. Il a été embauché contre l’avis du trésorier de l’association qui estimait que le centre ne pourrait pas équilibrer financièrement cette activité », explique le nouveau directeur.
Il reconnaît avoir demandé en juin 2022 à la Dr Roby de « diminuer son salaire et d’augmenter légèrement le nombre de ses consultations ». Face au refus de la praticienne, c’était « soit la licencier pour motif économique soit cesser l’activité du centre et de ses 25 salariés », assure-t-il. « Bien sûr, ce n’était pas une décision agréable à prendre, mais c’était une question de survie. »
Pourquoi ne pas avoir accepté l’aide des collectivités locales ? « Ces subventions qui nous étaient proposées ne couvraient pas le déficit du médecin », répond le responsable de l’association.
Avant cette expérience malheureuse, la Dr Roby avait travaillé 12 ans aux urgences hospitalières. Aujourd’hui, elle n’écarte pas l’idée de reprendre un poste salarié dans un centre de santé. Elle n’élimine pas non plus la possibilité de s’installer en libéral. « Je me laisse un peu de temps pour réfléchir et savoir quelle suite donner à ma carrière », confie la jeune femme.
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