Le système Dakiri

#  4 : Le meilleur souvenir

Publié le 26/09/2019

Résumé de l’épisode 3 : Pour poursuivre le travail entamé par son père, Iha a développé un programme permettant de faire revivre à travers un casque de réalité virtuelle les souvenirs enregistrés par le Système Dakiri. Cela permettrait alors une plus grande immersion dans les souvenirs. Mais Iha n’a pas eu de résultat très concluant sur la mémoire de sa mère. Madani a une idée…

J’emmenais Iha au deuxième sous-sol, seul endroit par lequel l’hôpital abandonné qui jouxtait l’EHPAD était accessible. Il s’agissait d’un très vieux bâtiment fermé depuis une vingtaine d’années. Les portes et fenêtres étaient murées. Aucun moyen d’entrer sauf par cette ouverture qui avait été faite récemment par des jeunes en mal de sensations fortes, directement dans les parties murées du deuxième sous-sol.

À peine étions-nous entrés que l’odeur, les bruits, les couleurs, qui nous parvenaient semblaient provenir d’une autre dimension. Le lieu dans lequel je travaillais était l’exacte réplique de celui-ci. Ils avaient préféré reconstruire à l’identique avec des matériaux peu coûteux plutôt que de rénover un bâtiment vieux de presque un siècle et demi. Nous montions les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Cet endroit dégageait une beauté singulière. Il y avait quelque chose à regarder sur chaque mur, à chaque coin de couloir. Tous les matériaux ne vieillissent pas de la même manière. Certaines pièces avaient conservé leur mobilier. On aurait pu penser à un lieu encore habité de ses patients et de son personnel. Sans parler, nous déambulions à travers les chambres, les bureaux. Nous nous arrêtâmes dans le hall, silencieux, hors du temps, baigné de lumière par un plafond désormais inexistant.

— Personne ne vient ici, en dehors de quelques gamins. L’existence de l’entrée, ce trou au sous-sol, est quasi-inconnue. Il faut un peu de courage à ces gosses pour s’aventurer dans le bâtiment le plus récent pour ensuite accéder à celui abandonné. Ici pourrait avoir lieu en toute discrétion la troisième étape de votre projet : votre père a inventé le moyen de transformer les souvenirs en vidéo, vous avez inventé le moyen de les faire revivre virtuellement, et si la troisième étape était de les revivre réellement ?

— Vous avez créé la machine à remonter le temps ?

— Malheureusement non, mais nous pourrions utiliser les souvenirs, peut-être les meilleurs de votre mère, pour recréer des scènes en grandeur nature. Quel est le meilleur souvenir de votre mère ?

— Elle parlait souvent de nos vacances en Bretagne. Elle adorait marcher le long des côtes. Quand il pleuvait, nous nous réfugions dans une toute petite maison, perdue au milieu des arbres. Nous jouions aux cartes, ma mère lisait dans son fauteuil, mon père préparait des plats à tomber par terre, des amis que nous ne retrouvions qu’à ces périodes venaient dîner et refaire le monde. Oui, je crois que ce sont ceux-là, ses meilleurs souvenirs.

— Cette maison, elle faisait quelle taille ?

— Vraiment petite, une tiny house comme on les appelle. Treize, quatorze, quinze mètres carrés à tout casser.

— Dans ce cas, reconstruisons cette maison, ici, dans ce hall. Créons un décor de théâtre qui ressemble de toute pièce à votre petite maison bretonne et jouons-y les souvenirs de votre mère.

— Bon sang, ce n’est vraiment pas bête ! Le fait qu’elle puisse réellement revivre ses souvenirs pourrait effectivement être la clef ! J’avais déjà pensé à un programme encore plus avancé qui permettrait de se plonger entièrement dans les souvenirs, de s’y balader comme dans un jeu vidéo, pas comme un simple spectateur, et d’avoir des interactions avec le passé. Mais cela resterait tout de même limité. Si un verre se trouvait à proximité, il ne serait pas possible de s’en emparer. L’immersion ne pourrait pas être totale.

— Sauf…

— Sauf si on oublie le casque de réalité virtuelle et qu’on recrée entièrement le décor d’un souvenir !

Prochain épisode dans notre édition du 3 octobre

Jérémy Riou, régisseur lumière depuis une dizaine d’années, a eu l’occasion de travailler sur quelques 350 spectacles à Paris et en tournée à travers le monde. Comédiens, auteurs, théâtres et voyages l’ont inspiré pour la création de ses propres histoires. L’une de ses nouvelles a été adaptée en court-métrage et une autre est en cours d’adaptation.

Jérémy Riou

Source : Le Quotidien du médecin