* Jean-Pierre Otte est un homme à facettes multiples, qui a partagé ses passions pour des disciplines aussi diverses que la biologie, la physique, la philosophie ou les mythologies du monde, dans des intrigues alliant le merveilleux et la science. À 63 ans, il révèle dans « Strogoff » (1) comment, lorsqu’il avait à peine 10 ans et qu’il a découvert au cinéma une version de « Michel Strogoff », lui est venue sa vocation littéraire. Il ne rêve plus dès lors que d’aventures échevelées, que ce soit dans sa famille, au plus près de ses grands-parents, au pensionnat, où des religieux tentent en vain de formater son esprit rebelle, ou à l’université, où il s’inscrit en auditeur libre. Et où il se met en tête de récrire « Michel Strogoff », avec une tout autre fin que celle de Jules Verne ! On en découvre les six chapitres qui subsistent.
* De réécriture il est aussi question avec « Roman fleuve » (2), le premier roman publié par Antoine Piazza, qui fut alors très largement salué par les critiques. Quinze ans ont passé, et le livre qui lui permit d’arriver au statut d’auteur est devenu le livre de la maturité. De nos jours, le président d’une France en conflit avec ses partenaires européens décide, pour sauver son peuple, de faire coïncider chacun des 65 millions d’habitants avec un personnage de roman. Sous couvert d’une intrigue de politique-fiction, le livre est un hommage érudit à la littérature, en même temps qu’un roman d’aventures, puisque les premiers cobayes refusent de se transformer en marionnettes de fiction et errent au bord d’un fleuve en crue dans leurs oripeaux d’époque.
Des femmes.
* Marie Cardinal (1928-2001) est l’auteur d’une vingtaine de récits, essais, pièces de théâtre et romans, parmi lesquels l’inoubliable « les Mots pour le dire » (1976, prix Littré), le récit d’une cure analytique entreprise après des années de troubles physiques sanguinolents et alors qu’elle était au bord du suicide. « L’Inédit » (3) rassemble des textes divers – pages de journaux intimes, variantes de romans déjà parus ou à paraître, souvenirs personnels, conversations… – agencés par ses filles, qui témoignent de la difficulté mais aussi de la beauté d’une vie.
* « 7 femmes » (4) est le titre du nouveau livre de Lydie Salvayre, elle-même à l’origine d’une douzaine de romans, dont plusieurs ont été récompensés (« la Compagnie des spectres »). « Sept folles » sont les premiers mots de l’introduction, où elle explique pourquoi elle fait revivre ces femmes en écrivant leur histoire. L’histoire de sept figures emblématiques de la littérature pour qui l’écriture n’est pas un supplément d’existence mais est l’existence, des auteurs dont la lecture a marqué sa vie et par là même fécondé son œuvre. Elles s’appellent Emily Brönte, Colette, Virginia Woolf, Djuna Barnes, Marina Tsvetaeva, Ingeborg Bachmann et Sylvia Plath.
* Célèbre depuis son premier livre, « Vaincue par la brousse » (1950), consacrée par « le Carnet d’or » (1962) et inlassable conteuse autant que femme de lettres engagée et militante, Doris Lessing, prix Nobel en 2007, s’est aussi appuyée sur le roman d’anticipation pour défendre ses idées. Les deux tomes du « Cycle de l’eau », « Mara et Dann » (5) et « l’Histoire du Général Dann » (6) paraissent en français, après avoir été publiés en 1999 pour le premier et en 2001 pour le second. Doris Lessing y décrit l’odyssée de deux enfants abandonnés et pourchassés, après qu’une interminable période de sécheresse a fait table rase de notre civilisation technologique occidentale. Leur quête vers le Nord, où se trouvent les dernières ressources en eau, passe aussi par la Méditerranée et les mythes fondateurs de notre civilisation.
Humour, musique et cinéma.
* Enfant chéri de la BD, à la fois dessinateur et scénariste (« le Chat du rabbin »), également réalisateur de cinéma (« Gainsbourg, vie héroïque »), Joann Sfar s’est tourné vers le roman. « L’Éternel » (7) – qui sera prochainement adapté en série pour Canal + dans une réalisation de… Joann Sfar – est une fiction qui surfe sur la mode des vampires, avec un retour sur la philosophie et le judaïsme, le tout saupoudré d’humour et de sensualité. Un violoniste juif ukrainien, mort au combat en 1917, ressuscite sous la forme d’un vampire, pour découvrir que son frère Caïn lui a volé sa fiancée. Un siècle plus tard, à New York, il rencontre Rebecka, une psychanalyste, qui, en le replongeant dans son passé, espère mettre fin à sa longue errance.
* Les livres d’Alain Gerber coulent comme des notes de musique. Spécialiste de jazz en même temps qu’écrivain – prix Interallié en 1989 pour « le Verger », prix Goncourt de la nouvelle en 1982 pour « les Jours de vin et de roses » –, il s’est distingué, à côté de nombreux essais, dans le roman-jazz en hommage à de grands noms, comme Chet Baker, Louis Amstrong, Miles Davis… « Une année sabbatique » (8) est d’un autre registre, une pure fiction (mais inspirée d’un épisode peu connu de la vie de Sonny Rollins), qui raconte la difficile reconquête par Sunny Matthews de son instrument, de la musique et de l’amour, après qu’il a cherché dans la drogue l’oubli de ses tourments, en particulier le fardeau d’être le plus grand saxophoniste de l’époque. Un récit haut en couleurs qui va d’un centre de désintoxication au podium triomphal d’une boîte de nuit, en passant par un emploi de gardien de nuit et un entraînement sur les rings.
* Qu’il soit romancier ou biographe, René de Ceccatty poursuit une œuvre littéraire en écho avec ses préoccupations intimes. Dans « le Renoncement » (9), il revient sur le projet avorté de tournage à Rome, en 1949, de l’adaptation de « la Duchesse de Langeais », de Balzac, sous la direction de Max Ophuls. Comme dans l’œuvre de Balzac, où l’héroïne disparaît et se fait nonne en se croyant abandonnée, Greta Garbo s’est retirée de la vie cinématographique pour les quarante ans de vie qui lui restaient. Cet événement est le point de départ d’une réflexion biographique sur l’actrice mais aussi sur la vie des producteurs qui ont « fait » la carrière de Garbo, sur le roman de Balzac et le cinéma de Max Ophuls, sur le système hollywoodien et sur l’époque.
(1) Julliard, 363 p., 22 euros.
(2) Éditions du Rouergue, 364 p., 22,50 euros.
(3) Grasset, 255 p., 17,90 euros.
(4) Perrin, 231 p., 18 euros.
(5 Flammarion, 558 p., 21,50 euros.
(6) Flammarion, 315 p., 20,50 euros.
(7) Albin Michel, 455 p., 22 euros.
(8) Éditions de Fallois, 299 p., 20 euros.
(9) Flammarion, 440 p., 21 euros.
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