* Deux générations
Ahmed Dich est un écrivain français d’origine marocaine, qui a déjà publié cinq romans et un récit autobiographique (« Quelqu’un qui vous ressemble »). Il est âgé de 46 ans et vit à Paris mais c’est dans le Sud-Ouest, où il a grandi, qu’il situe l’action de « Chibani » (1). Dans le village où Malick revient pour faire le point après avoir échoué dans son ambition d’être comédien – dix années durant lesquelles on l’a cantonné au rôle d’Arabe de service, petite frappe ou terroriste. Condamné en quelque sorte pour « délit de sale gueule ».
Hébergé par Chibani, un ami de son père, Malick, qui a tout fait pour s’intégrer, se voit reprocher d’avoir renié ses origines. À travers les discussions et les coups de gueule entre le vieil homme, meurtri depuis le mariage de sa fille avec un Français non musulman, et le jeune homme, désabusé de n’avoir pas vaincu les préjugés, l’auteur exprime de façon très concrète deux visions de l’immigration, celles de la première et de la deuxième génération, qui ne cessent de s’affronter.
* Selma et Louise
D’Iman Bassalah, on sait qu’elle a 36 ans, qu’elle est journaliste et vit entre la France, la Tunisie et l’Italie. « Hôtel Miranda » (2) est son premier roman, qui met en scène deux jeunes femmes à la recherche d’une autre vie. L’une s’appelle Selma et, après avoir passé dix mois dans une prison tunisienne, pour avoir entonné un chant de liberté, et avoir perdu son amoureux mystérieusement disparu, elle a trouvé à s’embarquer en direction de Lampedusa. L’autre s’appelle Louise et, après quinze ans de mariage, épuisée de jouer le rôle de mère parfaite, elle est allée au bout de son désir de partir, en laissant ses deux enfants.
À la veille du 14 juillet, les deux fugitives trouvent refuge dans un hôtel miteux au-delà du périphérique, où des hommes et des femmes de toutes origines et au passé souvent douloureux, vont les accueillir, les écouter, leur permettre de se reconstruire. Une leçon de générosité et d’espoir.
* Les mots pour le dire
Akli Tadjer, 58 ans, est d’origine algérienne, auteur de 7 romans, dont trois ont été adaptés à la télévision – après « le Porteur de cartable », on verra prochainement « Il était une fois... peut-être pas ». L’un des narrateurs de « la Meilleure façon de s’aimer » (3), Saïd, est né à Paris, comme l’auteur. Courtier en assurances, le jeune homme vient d’être licencié et il a des problèmes de cœur avec Clotilde. L’autre voix est celle de Fatima, sa mère, hospitalisée dans un état végétatif et qui s’évade en convoquant ses souvenirs, depuis l’orphelinat de Bab-el-Oued et son départ raté pour la France avec le couple qui devait l’adopter.
Tandis que Fatima fait le bilan d’une vie difficile, Saïd revient sur son enfance sans père et continue de se demander pourquoi sa mère n’a jamais su lui dire qu’elle l’aime. Un roman tout de souffrance et de tendresse, qui rappelle que la meilleure façon de s’aimer est de le dire.
* Dans la communauté turque
Armel Job a enseigné pendant vingt ans – il était professeur agrégé de philologie classique en Belgique – avant d’entrer en littérature. Son nouveau roman, « Loin des mosquées » (4), se distingue par une construction tout en finesse, avec des personnages qui se révèlent beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît et des rebondissements à répétition.
L’histoire se découvre par les voix entrecroisées de quatre protagonistes. Evren, un garçon d’origine turque, timide et au visage ingrat, qui a quitté la Belgique pour parfaire de brillantes études de comptabilité à Cologne ; sa cousine Derya, belle et sensuelle, qui refuse de l’épouser ; Yasemin, une petite paysanne anatolienne de 16 ans, appelée en remplacement pour un mariage arrangé ; et René, un voisin de la famille et croque-mort de son état. Soumis, chacun à leur manière, au respect des traditions et aux caprices du destin, ces personnages nous promènent dans une intrigue à la fois drôle, mystérieuse et habile.
Loin du casse-tête que laisse supposer son titre du livre, le livre est un très agréable divertissement, qui, en outre, et ce n’est pas là son moindre mérite, nous fait entrer dans l’univers de la communauté turque d’Europe, de façon très approfondie mais sans parti pris ni jugement.
(1) Anne Carrière, 163 p., 17 euros.
(2) Calmann-Lévy, 250 p., 17,60 euros.
(3) JC Lattès, 284 p., 18 euros.
(4) Robert Laffont, 274 p., 19 euros.
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