LIVRES - Écrivains et artistes

Leur vie est un roman

Publié le 18/02/2013
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* Une femme, Dora Diamant, était aux côtés de Franz Kafka, lorsqu’il est mort en juin 1924, de tuberculose et vraisemblablement de malnutrition. Ils s’étaient connus moins d’une année auparavant, elle avait 25 ans tandis que lui, à 40 ans, était déjà gravement malade. Alors que l’auteur du « Procès », du « Château » et de « la Métamorphose » n’avait connu que des liaisons difficiles, le couple s’installe à Berlin dans une félicité conjugale qui lui permet d’écrire beaucoup mais battue en brèche par les conditions économiques désastreuses qui les laissaient presque sans chauffage et sans nourriture et par l’antisémitisme de plus en plus sensible qui les contraint à déménager d’une petite chambre à l’autre.

En s’imprégnant des journaux, de la correspondance et des carnets de Kafka, Michael Kumpfmüller (son roman « Fugue en lit mineur » a été récompensé par le prix Alfred-Döblin) réinvente dans « la Splendeur de la vie » (1) une histoire d’amour émouvante par ce contraste entre l’homme qui lutte contre la mort et la jeune femme pleine de vie.

* Romancière et plasticienne, la Mexicaine Ana Clavel (saluée pour son premier livre « les Violettes sont les fleurs du désir ») nous plonge dans la Suisse de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans « le Dessinateur d’ombres » (2), l’auteure imagine que le théologien Johann Kaspar Lavater – connu notamment pour son ouvrage « L’Art de connaître les hommes par la physionomie » –, subjugué par l’art d’un jeune garçon de révéler, à l’aide de quelques traits, la personnalité du visage dont il réalise le portrait, s’en est fait le mentor et s’est investi de la mission de le garder dans le chemin de la pureté. Mais personne ne peut résister à la beauté et l’artiste sombrera dans un clair-obscur qui le mènera à sa perte. Un conte esthétique et moral où religion, désir et art entretiennent un dialogue sans fin.

* Il y a cinquante ans, en février 1963, Sylvia Plath mettait fin à ses jours, à l’âge de 30 ans. Dans une confession imaginaire de la dernière année de la poétesse, « Mourir est un art, comme tout le reste » (3), Oriane Jeancourt-Galignani, critique littéraire au magazine « Transfuge », ajoute sa pierre à l’édifice des raisons de ce suicide, que n’expliquent ni ses poèmes, ni son roman d’inspiration autobiographique, « la Cloche de détresse », dans lequel elle décrit en détail les circonstances de sa première dépression. On entre ainsi dans l’intimité d’une jeune femme livrée à la plus profonde solitude malgré ses deux enfants de 1 et 3 ans, torturée par les infidélités de son mari, le poète anglais Ted Hughes, qu’elle avait aimé avec passion, autant que par ses troubles psychiatriques. Un hommage baigné par des vers douloureux et intimes extraits d’« Ariel », qui va bien au-delà de l’égérie emblématique créée par les féministes d’outre-Atlantique.

* Le dramaturge et romancier suisse Charles Lewinsky (prix du meilleur livre étranger 2008 pour « Melnitz », la saga d’une famille juive suisse de la guerre franco-prussienne à la fin de la Deuxième Guerre mondiale), donne avec « Retour indésirable » (4), un livre étonnant consacré à Kurt Gerron – dont certains préfèrent oublier le nom. Né dans une famille juive à Berlin en 1897, il fut un des acteurs les plus célèbres d’avant-guerre, jouant par exemple dans « l’Ange bleu », de Josef von Sternberg, aux côtés de Marlène Dietrich. Arrêté par la Gestapo en 1940 et déporté au camp de Theresienstadt, il y réalisa, contre la promesse de vie sauve, un film de propagande destiné à montrer combien la ville donnée aux Juifs par le Führer, était agréable. Aussitôt après, il fut envoyé à Auschwitz et gazé ainsi que sa femme, trois jours seulement avant que les chambres à gaz arrêtent de fonctionner.

La question du livre – où, précise l’auteur, beaucoup de choses sont inventées – est bien sûr de savoir pourquoi Kurt Gerron a accepté de mettre son talent au service du mensonge et de bafouer la souffrance et l’horreur vécues par tant de gens.

(1) Albin Michel, 290 p., 19,50 euros.

(2) Anne Carrière, 255 p., 20 euros.

(3) Albin Michel, 181 p., 15 euros.

(4) Grasset, 509 p., 22,90 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9219