Pour améliorer l'efficience du système de santé, le gouvernement veut développer les parcours de soins par pathologie. Alors qu'il s'apprête à les concrétiser pour la prise en charge de l’ostéoporose et de l’insuffisance cardiaque, la place qu'occupera le généraliste dans ces parcours reste floue. Y aurait-il un loup ?
« Le bon soin, au bon endroit, au bon moment. » Depuis plus d’un an, le refrain de la pertinence des soins revient sans cesse dans la bouche des autorités du système de santé. Concrètement, cette approche doit permettre de répondre à une demande de soins toujours croissante, liée notamment au vieillissement de la population. Elle vise aussi à améliorer la communication entre les différents professionnels de santé, pour limiter les actes inutiles ou redondants. Cette notion figure parmi les priorités du plan “Ma santé 2022”, présenté par Emmanuel Macron mi-septembre.
Pour y parvenir, le gouvernement veut instaurer des parcours de soins par pathologie. Les deux premiers, fruits de la collaboration entre l’Assurance maladie et la Haute autorité de santé (HAS) avec les conseils nationaux professionnels des cardiologues et rhumatologues, devraient être lancés dès 2019 pour la prise en charge de l’ostéoporose et de l’insuffisance cardiaque. D’autres parcours, sur lesquels travaille la HAS, devraient suivre d’ici 2022 pour les pathologies chroniques les plus fréquentes (diabète, insuffisance rénale…).
Des contours encore flous
Le financement de ces épisodes de soins concerneront dans un premier temps les équipes hospitalières en charge de ces pathologies.
Pour l’heure, il est difficile de savoir quel impact ces futurs parcours de soins auront sur l'activité des médecins généralistes et leur rôle de médecin traitant dans le suivi de leurs patients. Du côté de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé), c’est le silence radio. Sollicitée par Le Généraliste, la DGOS indique qu’une concertation est en cours et précise qu’elle sera en mesure d’apporter des réponses à partir de mars 2019.
En attendant d’en savoir plus, les médecins généralistes fixent les conditions de leur adhésion à cette approche par parcours. Le Pr Vincent Renard, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), accueille cette évolution « avec intérêt » mais redoute que la HAS, chargée d’élaborer les parcours, ne mette de côté les généralistes, comme elle le fait pour l’élaboration de ses recommandations, affirme-t-il. « Le CNGE est tout à fait partisan de l’idée d’un parcours de soins, souligne-t-il. Tout dépendra de la manière dont ils seront élaborés. Parce qu’avec le même concept, on peut avoir des résultats très différents. »
Le médecin traitant doit rester le pilote
Quand ils toucheront la ville, ces parcours devront être « intelligents » et mettre les généralistes au centre du dispositif, prévient d’ores et déjà le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Un diabétique qui va bien au début de sa pathologie doit-il bénéficier d’une éducation thérapeutique à l’hôpital, alors qu’on a les moyens de le faire en ville ? Probablement pas », observe-t-il. « Dans ces parcours, le rôle du médecin traitant doit être justement valorisé, souligne encore le Dr Battistoni. Il doit être le pilote des interventions des différents intervenants autour d’un patient. » « Le généraliste doit être au courant de tout : date de retour au domicile, traitement donné à la sortie, objectifs de la prise en charge, abonde le Dr Marie Brosset, vice-présidente du syndicat de jeunes généralistes ReaGJIR. Si ce n’est pas fait, le parcours de soins ne sert à rien. »
Les parcours devront porter sur des « typologies de patients » plutôt que des pathologies, note quant à lui le Dr Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. « Ce qui importe, c’est de ne pas saucissonner par pathologie le parcours de santé de la personne âgée », explique-t-il.
Cette nouvelle organisation des soins devrait s'accompagner de rémunérations au forfait. Jacques Battistoni se dit « dubitatif » et suggère plutôt de s’appuyer sur « des lettres clés ou des actes valorisés pour les prises en charge chroniques chronophages ».
Plus de communication entre ville et hôpital
Pour le Dr Marie Brosset, les parcours de soins pourraient améliorer la communication entre ville et hôpital. Si la loi santé de Marisol Touraine a rendu théoriquement obligatoire en 2017 la transmission d’une lettre de liaison des établissements de santé vers la ville, la communication reste compliquée entre les deux. Selon la HAS, seuls 15 % des établissements de santé remplissent ce document de manière satisfaisante.
« Une prise en charge coordonnée entre les différents services diminuerait les allers-retours itératifs et incompréhensibles par le patient », juge le Dr Brosset. « Aujourd’hui des patients sortent de l’hôpital et sont réhospitalisés dans les 24 ou 48 heures suivantes, abonde le Dr Luc Duquesnel. Si l’établissement travaille en lien avec l’ambulatoire sur ces sorties complexes, on évitera des chutes, des hospitalisations et réhospitalisations évitables », conclut-il.
« Les généralistes garderont un rôle central »
« Le médecin de famille ne sera pas mis sur la touche avec cette nouvelle organisation. Il aura même un rôle central. Il est le garant du DMP et ces parcours n’ont de sens que si ce dossier médical est utilisé par tous les acteurs. En revanche, les généralistes sont-ils prêts à remplir les DMP sachant qu’aucune rémunération n’est prévue pour cela ? Où vont-ils trouver le temps ? La rédaction d’un volet de synthèse prend en moyenne une demi-heure. »
Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé