Si le plan “Ma santé 2022” a remis sur le devant de la scène la logique de médecine de parcours, l’idée n’est pas nouvelle et de nombreuses pathologies chroniques ont déjà été abordées sous cet angle.
Dès 2013, la HAS diffusait ainsi son premier parcours de soins sur la BPCO et depuis, les publications se sont multipliées. Dernier en date et symbole fort, celui sur la maladie d’Alzheimer, publié début mai, était même censé contrebalancer le déremboursement des Anti-alzheimer !
Dès lors, en quoi les nouveaux parcours de soins seront-ils différents de ceux produits jusque-là ? Difficile de répondre avec certitude, alors qu’aucun d’entre eux n’a encore été rendu public. Même les travaux de la Cnam sur l’ostéoporose fracturaire et l’insuffisance cardiaque attendus pour fin 2018 n’ont pas encore été diffusés. Quant à la feuille de route de la HAS sur la BPCO, qui devrait servir de pilote pour l’élaboration de sept autres parcours de soins, rien n’est annoncé avant 2019.
D’un parcours de soins à un parcours de santé
Quoi qu’il en soit, « il n’y a rien de nouveau sur ce qu’est un bon parcours de soins, prévient d’emblée le Dr Catherine Grenier (directrice de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS), et l’idée reste toujours de définir la bonne prise en charge pour une pathologie donnée, sur la base de recommandations de pratiques cliniques et organisationnelles ». La réalisation de parcours par pathologie (et non pas profils de patients, comme ont pu le suggérer certains généralistes) reste aussi la règle. Pour les maladies ayant déjà fait l’objet d’un parcours de soins formalisé, comme la BPCO, l’évolution pourrait même se traduire par une simple réactualisation de l’existant.
« Il ne s’agit pas de revoir le concept, insiste le Dr Grenier, mais simplement d’aller un peu plus loin en passant d’un parcours de soins à un parcours de santé, qui intègre l’ensemble des besoins des patients. » En d’autres termes, « ne pas rester sur le médical et le sanitaire mais considérer aussi les aspects médico-sociaux et sociaux pour toucher l’ensemble des éléments en lien avec la prise en charge du patient ».
Au-delà de cette ouverture, les parcours de demain devraient mettre l’accent sur la gradation des soins (en balisant davantage les situations qui demandent une expertise particulière), sur la participation et l'information du patient en vue de son autonomisation, ou encore sur la coordination et l'information entre les professionnels de soins.
Plus généralement, l’idée est d’insister sur les points critiques qui déterminent l’évolution de la maladie, qu’ils soient cliniques ou organisationnels. Par exemple, la Cnam devrait proposer un système de drapeaux rouges et jaunes pour baliser les « points de rupture ».
Indicateurs de qualité
Mais la grande nouveauté réside surtout dans l’élaboration d’indicateurs qui permettent d’évaluer la qualité de la prise en charge des personnes atteintes d'une pathologie chronique « quels que soient les lieux de soins et de vie (ville, hôpital, domicile, etc.) ».
Les consultations menées auprès des professionnels et des patients ont mis en avant six aspects qui devraient être ciblés prioritairement. À savoir, la précocité du diagnostic ; l’annonce, l’information et l’implication du patient dans le projet de soin ; la mise en œuvre de mesures de prévention secondaire pour stabiliser la maladie, trop souvent négligées ; la coordination entre professionnels de santé ; la gestion des épisodes d’exacerbation ou d’aggravation de la maladie qui demandent d’autonomiser davantage les patients ; et enfin le suivi au long cours des patients pour éviter les risque « d’échappement » favorisant les complications aiguës et l’aggravation de la maladie.
Par exemple, pour la BPCO, un indicateur de prévention secondaire pourrait porter « tout simplement sur l’arrêt du tabac », indique Catherine Grenier. Plus que de rappeler l’importance du sevrage tabagique dans la BPCO, sur laquelle tout le monde s’accorde, l’idée est d’inciter les professionnels à aller plus loin. Toujours dans la BPCO, un autre indicateur pourrait s’intéresser par exemple à la qualité de vie des patients après réhabilitation respiratoire, ou encore à l’information délivrée au malade après une hospitalisation pour exacerbation. « Je pense que l’amélioration de la qualité passe par des leviers extrêmement simples », insiste Catherine Grenier.
Reste à savoir dans quelle mesure ces indicateurs jugés pertinents s’avéreront fiables et facilement accessibles.
L’enjeu des systèmes d’information
À ce titre, l’enjeu sera de développer des systèmes d’information autorisant un recueil automatisé des indicateurs retenus, via le dossier médical partagé notamment. « Alors que les professionnels de santé manquent de temps, on ne peut pas leur demander de renseigner des données médicales supplémentaires », insiste Catherine Grenier.
Au-delà de la question du recueil des indicateurs, se posera aussi celle de leur restitution aux professionnels concernés. Aujourd’hui, faute de moyens techniques adaptés, « l’idée est plus d’analyser les choses à l’échelle d’un territoire que de revenir individuellement vers chaque praticien ». Ceux qui craignaient une analyse de leur pratique à la lumière d’indicateurs éventuellement opposables peuvent donc être rassurés pour le moment !
« Une visibilité sur le rôle de chacun »
Peur d’un nouveau cadre administratif restrictif, usine à gaz , etc.
Aujourd’hui, beaucoup de généralistes s’interrogent sur l’utilité des parcours de soins et « n’identifient pas spontanément de gains potentiels pour leur pratique », reconnaît le Dr Paul Frappé, membre du CMG. Le généraliste stéphanois salue cependant l’effort annoncé pour décloisonner les pratiques et coordonner les actions des différents professionnels. Alors qu’on estime que près de 20 à 30 personnes interviennent autour d’un patient atteint de maladie chronique, « on ne peut plus travailler en silo », insiste-t-il.
« Par ailleurs, cela peut permettre à chacun de retrouver une visibilité sur son rôle. Alors qu’en médecine générale, nous avons parfois tendance à considérer que notre intervention s’arrête à ce que l’on sait faire avant de passer la main, la formalisation d’un parcours de soins peut avoir le mérite de rappeler ce qui relève du généraliste, quitte à nous pousser à nous former. » Enfin, ces parcours « peuvent être un formidable promoteur du DMP ». A contrario, la création de parcours lisibles et coordonnés « pourrait ouvrir la porte à une augmentation de la demande de soins en encourageant des consultations ou des actes qu’on ne faisait pas jusque-là, simplement parce qu’ils sont inscrits dans le parcours ».
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