Le point de vue de Patrick Ange Raoult*

Pour un accès direct aux psychologues à une tarification adéquate

Publié le 16/04/2021
Article réservé aux abonnés

Principaux intéressés par les expérimentations en cours, les psychologues les observent sous un œil critique, notamment celles qui ont été mises en place sous l'égide de l'Assurance-maladie. Un de leurs représentants pointe notamment la faiblesse des rémunérations proposées dans ce cadre, mais aussi l'obligation de prescription médicale et des méthodes thérapeutiques imposées aux professionnels concernés.

Trois exemples parmi d’autres pour souligner, en accord avec des syndicats de médecins généralistes, de la nécessité d’une prise en charge psychologique. Santé Publique France relève - suite à des études menées dans le cadre CoviPrev, - la dégradation de la santé mentale des Français, promeut le repérage des principaux symptômes et favorise de fait les consultations psychologiques. La Cour des comptes, dans son rapport sur la psychiatrie distingue l’approche psychiatrique et l’approche psychologique et préconise la prise en charge par l’assurance maladie des psychothérapies par des psychologues.

Dans ce contexte, les mutuelles annoncent le remboursement des consultations psychologiques à une tarification maximum de 60 euros par séance. Auparavant, le Syndicat National des Psychologues avait participé avec la Fédération Diversité Proximité Mutualiste (FDPM), à la mise en place d’une plateforme téléphonique de consultation psychologique en accès direct, avec une charte pour l’engagement des psychologues.

Les psychologues interviennent depuis longtemps dans les champs médico-psychologiques, médicaux, médico-sociaux, judiciaires, sociaux auprès de populations ayant des vulnérabilités psychiques, des vécus traumatiques, confrontées à la souffrance au travail. Ils occupent, depuis des dizaines d'années, une place centrale dans la prise en charge des troubles psychiques et ont acquis de larges compétences dans ce domaine. Ils sont, par leur formation, compétents pour le faire. De formation Master 2 minimum, ils ont souvent des D.U. complémentaires et des doctorats. Le SNP demande d’ailleurs l’allongement des études sur le modèle LMD. La profession possède des départements de psychologie, des équipes de recherche et des enseignants-chercheurs.

Depuis quatre ans, la CNAM conduit dans quatre départements un dispositif expérimental de prise en charge de psychothérapies réalisées par des psychologues en libéral. De nombreuses critiques ont été émises tant par les professionnels, dont ceux participant à ces expérimentations, que par l’ensemble des organisations professionnelles.

La distinction entre soutien et psychothérapie structurée appert non pertinente. La rétribution (22 et 32 euros/séance) est jugée inacceptable. La prescription médicale est considérée la fois comme rétrograde, non conforme à la qualification des psychologues et aux pratiques en libéral. Elle est contraire aux études mettant en exergue la nécessité d’un accès direct au psychologue pour ne pas faire entrave à la prise en charge [1]. De la même manière, l’imposition d’une méthode, souvent les TCC, contrevient à la fois à l’autonomie des psychologues et au maintien du pluralisme. Une qualification attendue est certaine, l’exclusivité d’un type de méthodes et théories n’est pas recevable. Cette politique ne favorise guère les conditions adéquates d’un accès aux consultations psychologiques par remboursement.

40 ans de lutte pour la reconnaissance du titre

Cette avancée s’inscrit pourtant dans une lutte ouverte dans les années cinquante qui aboutira à la reconnaissance du titre de psychothérapeute aux psychologues cliniciens. Malgré tout, revient comme un serpent de mer la volonté de la prescription avec une paramédicalisation des psychologues. Le refus de la prescription est une revendication très ancienne des psychologues, qui préconisent un travail de collaboration [2] telle que soutenue avec les médecins généralistes en place de pivot.

Dans le cadre de négociations avec le ministère de la Santé, le délégué ministériel a convenu de la suppression de la prescription médicale au profit de la notion d’adressage, du principe d’une formation spécifique en psychopathologie et du pluralisme des méthodes. Les organisations professionnelles ont proposé la mise en place d’un Comité de pilotage national des psychologues avec des déclinaisons aux plans régional et départemental. Le Syndicat National défend un travail de collaboration avec les médecins généralistes sans prescription mais sur le mode d’une orientation, un accès direct pour les autres situations, une tarification assurant une pérennité de l’exercice libéral.

 

Exergue : La prescription médicale est contraire aux études mettant en exergue la nécessité d’un accès direct au psychologue pour ne pas entraver la prise en charge.

[1] En particulier, June Sl Brown, Jed Broardman, Naureen Whittinger and Mark Ashworth, Can a self-referral system help improve acess to psychological treatments ?, British Journal of Genral Practice, May 2010
[2] Vergès Y., Collaboration entre médecins généralistes et psychologues : le point de vue des psychologues, Thèse du diplôme d’Etat de Médecine, spécialité Médecine générale, Toulouse, 21 09 2017

* Patrick Ange Raoult, Secrétaire général du SNP (Syndicat National des Psychologues Psychologue clinicien), Docteur en Psychologie, Maître de Conférences HDR

Source : Le Quotidien du médecin