La baisse de la fécondité s’accélère dans le monde

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Publié le 21/03/2024

La chute de la fécondité s’accélère et les trois quarts des pays risquent de ne pas atteindre le seuil de renouvellement des générations d’ici à 2050, selon une étude du Lancet.

Crédit photo : GARO/PHANIE

La fertilité est insuffisante pour maintenir la population en l'état dans la majorité des pays, souligne une vaste étude publiée ce 21 mars dans The Lancet. Une tendance qui devrait s’aggraver d’ici à la fin du siècle, avec des déséquilibres grandissants entre régions.

« La fertilité décline à travers le monde et à l'avenir, les taux vont continuer à décliner », résume ce travail qui s’appuie sur les chiffres de Global Burden of Disease (GBD), un programme financé par la fondation américaine Bill & Melinda Gates pour réunir les données de santé de la plupart des pays. Les chercheurs ont non seulement évalué les taux actuels de fertilité dans ces pays, mais ils ont aussi cherché à calculer l'évolution à venir en fonction de nombreuses variables prédictives, comme les niveaux d'éducation, l’accès à des moyens modernes de contraception, la mortalité infantile ou encore le fait de vivre dans des villes.

Ils concluent que d'ici à 2050, trois quarts (155 sur 204) des pays auront un taux de fécondité insuffisant pour maintenir leur population en l'état. D'ici à 2100, ce seront 97 % des pays (198 sur 204) qui seront concernés. Et de considérer que le taux total de fécondité (TFR) d’une population (le nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer) doit être de 2,1 pour assurer le renouvellement des générations, un seuil atteint par près de la moitié des pays (46 %) en 2021. « Cela signifie que les populations vont se rétracter, à moins d’une vague d’immigration, voire de politiques publiques de soutien à la parentalité », lit-on.

Au cours des 70 dernières années, le taux de fécondité a été divisé par plus de deux, passant de 4,8 enfants par femme en 1950 à 2,2 en 2021. Et selon les prévisions, il devrait baisser jusqu’à 1,8 en 2050 puis 1,6 en 2100.

Déséquilibres mondiaux

Les chercheurs prévoient par ailleurs que la population de pays pauvres continuera longtemps à augmenter, notamment en Afrique subsaharienne, alors qu'elle baissera dans les pays développés. Ce déséquilibre risque, selon eux, d'avoir « des conséquences considérables sur les plans économique et sociétal ». En 2021, 29 % des nourrissons devraient voir le jour en Afrique subsaharienne ; une proportion qui grimpera à 54 % d’ici à 2100, ce qui « souligne l’urgence d’améliorer l’accès aux moyens de contraception et à l’éducation des filles », commentent les auteurs.

« Le monde sera confronté simultanément à un "baby boom" dans certains pays et à un "baby bust" dans d'autres. Alors que la plupart des pays du monde sont confrontés aux graves problèmes de croissance économique posés par la diminution de la main-d'œuvre et au défi du vieillissement, de nombreux pays d'Afrique subsaharienne aux ressources limitées doivent savoir comment soutenir la population la plus jeune et la plus dynamique, dans des endroits politiquement et économiquement instables, soumis à des contraintes de chaleur et à des systèmes de santé très sollicités », analyse l'auteur principal, Stein Emil Vollset, spécialiste de métrologie de la santé à l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de l’Université de médecine de Washington, responsable du GBD.

Dans le détail, la Corée du Sud et la Serbie ont déjà les plus bas taux de fécondité à 1,1 enfant par femmes. En 2100, seulement six pays auront un taux supérieur à 2,1 : Samoa, la Somalie, les îles Tonga, le Niger, le Tchad, et le Tadjikistan. En Europe, le taux de fécondité devrait être de 1,44 en 2050 puis 1,37 en 2100 ; la France, qui affiche un taux de 1,75 aujourd’hui, devrait se classer parmi les pays dans la fourchette haute, avec Israël, l’Islande, le Danemark, ou l’Allemagne (entre 1,40 et 2,09 à la fin du siècle).

Pour autant, les prévisions de l'étude du Lancet doivent être prises avec précaution, soulignent dans le même numéro des chercheurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils critiquent plusieurs choix de méthodologie, soulignant notamment la faiblesse des données actuellement disponibles dans nombre de pays pauvres. Sur le fond, « il faut privilégier la nuance et non le sensationnalisme quand on parle de la baisse des taux de fertilité », estiment-ils. Ils soulignent aussi qu'un tel phénomène peut présenter des avantages (environnement, alimentation...), comme des inconvénients (systèmes de retraite, emploi...). Et notent surtout qu'il n'y « pas de manière évidente » d'agir dessus. Les politiques natalistes, tel le « réarmement » promu par Emmanuel Macron, n’auraient qu’un effet marginal, de l’ordre d’un incrément de seulement 0,2 enfant par femme.


Source : lequotidiendumedecin.fr