Alors que la France dépend à 70 % du marché mondial, principalement nord-américain, pour couvrir ses besoins en produits dérivés du plasma, la question de l’incitation financière au don est régulièrement mise sur la table par les acteurs de la filière. Invité à se pencher sur le sujet, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ouvre la voie à une « compensation des frais engagés par les donneurs, comme les déplacements et repas », sans remettre en cause le principe de non-commercialisation du corps humain.
Dans son avis 146, publié ce 15 janvier, l’instance rappelle que « la demande en médicaments dérivés du plasma ne cesse d’augmenter, tandis que le renouvellement des donneurs reste insuffisant, notamment parmi les jeunes générations ». Le CCNE évoque également le nouveau cadre européen, le règlement Soho (Substances of Human Origin), applicable à partir de 2027, qui introduit le concept de « neutralité financière », en remplacement de la notion de don « volontaire et non rémunéré » (directive « Sang » de 2003). Cette évolution a « conduit plusieurs pays à adopter de nouvelles formes de reconnaissance des dons (rétribution financière, avantages fiscaux, etc.) », est-il expliqué.
Dans l’Union, plusieurs pays (Hongrie, République tchèque, Autriche et Allemagne) s’appuient sur des dons rémunérés, avec des montants fixés par l’État et un plafond de dons annuels, indiquait Jacques Brom, directeur général du Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies (LFB), à l’occasion du congrès de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) en septembre dernier. C’est aussi le cas des États-Unis qui dominent le marché en concentrant 70 % de la production mondiale.
Des « ajustements pratiques » au cadre actuel
Dans ce contexte, le CCNE se prononce pour le maintien d’un « cadre éthique solide » avec des « ajustements pratiques », « dans une logique de neutralité financière » et « sans remettre en cause les principes fondamentaux du don ». Concrètement, l’instance émet cinq recommandations, allant de l’instauration de nouvelles formes de reconnaissance du don à l’optimisation des capacités de collecte.
Il s’agit d’abord de communiquer de façon transparente auprès du grand public sur l’utilité du don de plasma et le fonctionnement de la filière. L’enjeu est notamment de « dissiper les inquiétudes concernant la sécurité et l’éthique du don, tout en valorisant le rôle des professionnels de santé comme relais d’information », mais aussi de constituer une « communauté » autour de cette « cause ».
Le Comité appelle aussi à améliorer la coordination entre les deux acteurs de la filière française, l'Établissement français du sang (EFS) et le LFB, qui fractionne le plasma collecté par l’EFS et distribue ses produits dérivés sur le territoire. Réflexion sur le modèle économique, renforcement des contrôles publics sur la production et la commercialisation ou encore amélioration de l’accès aux lieux de collecte comptent parmi les quelques pistes évoquées. Le CCNE encourage également le don de plasma par aphérèse, « bien que cela nécessite un investissement supplémentaire en ressources humaines et en matériel, car il permet une collecte plus fréquente et ciblée », lit-on dans l’avis.
Compensation des frais et reconnaissance pour les donneurs
Sur la question de la rétribution des donneurs, le CCNE s’inscrit dans la défense du principe de gratuité et s’appuie sur le règlement Soho pour introduire une « compensation des frais engagés par les donneurs, comme les déplacements et repas ». Ainsi, « l’EFS doit systématiquement informer les donneurs des modalités de compensation, mettre en place un forfait raisonnable pour le remboursement des frais, et évaluer régulièrement les pratiques de collecte pour prévenir toute dérive », est-il préconisé.
En parallèle, la reconnaissance de l’engagement des donneurs est encouragée. L’EFS et le ministère de la Santé pourraient « mettre en place des actions de reconnaissance non pécuniaires renforçant le sentiment d’appartenance à une communauté, telles que des courriers de remerciement, des cérémonies ou des événements valorisant l’éthique et la solidarité du don », est-il suggéré. Des approches innovantes sont aussi à explorer, comme l’intégration de la reconnaissance des donneurs dans la démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Enfin, le Comité recommande d’« encadrer davantage les prescriptions », conformément à « l’exigence de rationalité et de transparence dans les décisions thérapeutiques », afin de « garantir un usage optimal des ressources médicales ». Cela implique des « actions telles que la création d’unités d’aphérèse mobiles, la modernisation des infrastructures, le recrutement de personnel qualifié et la mobilisation accrue de donneurs », est-il précisé.
« Notre responsabilité est de garantir que l’organisation de la filière plasma réponde aux impératifs de santé publique, en protégeant nos concitoyens les plus vulnérables, tout en préservant les valeurs qui nous unissent autour du don : l’altruisme, le volontariat et la gratuité », commente Karine Lefeuvre, vice-présidente du CCNE et co-rapporteure de l’avis.
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