Si face à un problème de santé, les 15-29 ans s’adressent à un médecin (41%), ils sont aussi particulièrement nombreux à consulter internet (23%) et les réseaux sociaux (11%) et seuls 24% d’entre eux vérifient « toujours » la source de l’information, indique une enquête réalisée en janvier par le média JAM by June auprès de 1000 jeunes âgés de 15 à 29 ans. Ce qui représente un danger au regard du nombre de fake news diffusées par ces sources. Face à ce constat, les initiatives se multiplient pour rétablir la vérité scientifique et combattre les fake news. Début avril, la Fondation Ramsay Santé a organisé ses Rencontres Prévention Santé sur ce thème.
La bulle de l’information en ligne
« Ceux qui s’informent sur Internet vivent un peu dans une bulle. Ils ne croient plus les politiques, doutent de la science et rejettent les médias traditionnels », décrypte le journaliste Thomas Huchon qui constate par ailleurs que « le monde médical est sorti très fragilisé de la période covid. Une partie des soignants ont été pris pour cible, victimes pour certains de “raids numériques”. Ce qui a créé le sentiment qu’ils apportaient le problème et non plus la solution. »
Directeur de la recherche de la Fondation Descartes et spécialiste du sujet, Laurent Cordonier a également mis en garde contre « la promotion, plus ou moins volontaire, des thérapies alternatives par les médias dits classiques dans la mesure où certains reportages instillent un univers de croyances en porte-à-faux avec ce que dit la science ». Si fermer les comptes véhiculant des fake news revient selon lui « à vider l’océan à la petite cuillère », il convient cependant de noter que l’arsenal législatif se renforce comme l’a illustré la députée Violette Spillebout. La récente loi sur les influenceurs interdit par exemple désormais « la promotion, directe ou indirecte, de produits, d'actes, de procédés, de techniques et de méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, des protocoles ou des prescriptions thérapeutiques » avec des sanctions pouvant aller jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. « Le sujet de la responsabilité des plateformes n’a pas été suffisamment approfondi et je souhaiterais également voir renforcés les pouvoirs de Pharos », outil qui centralise tous les signalements d'internautes concernant des contenus illicites publics, a toutefois souligné l’élue.
Le fake, un business très lucratif
Dans ce combat contre les fake news, l’éducation et la formation jouent un rôle essentiel, et ce dès le plus jeune âge. « Démêler le vrai du faux est aussi fondamental que savoir lire ou compter », a exprimé Jean-Bernard Schmidt, directeur délégué du Centre de formation des journalistes et cofondateur de la plateforme Spicee Educ.
D’autres initiatives font appel à l’éthique pour convaincre les jeunes. Le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi) s’est par exemple attaché à démontrer que la désinformation en santé était un business très lucratif tandis que l’autorité de régulation professionnelle de la publicité a mis en place un « certificat de l’influence responsable » qui peut être obtenu après une formation en ligne.
Former les étudiants en médecine
Les étudiants en médecine font aussi l’objet d’une attention particulière. Depuis trois ans, Thomas Huchon leur propose par exemple une journée pédagogique sur la désinformation dans le cadre du service sanitaire. « J’ai répondu à une demande du Pr Karine Lacombe, infectiologue à l’hôpital Saint-Antoine. Les futurs médecins sont très sensibles à ces sujets car ils sont déjà confrontés aux infox. Et s’ils ont la connaissance scientifique pour y répondre, ils ne maîtrisent pas toujours le fonctionnement des réseaux sociaux », explique-t-il.
Le journaliste a également créé sur Instagram et TikTok le compte d’intelligence artificielle « Anti fake news AI ». « À partir d’un simple échantillon de voix, on peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui, poursuit-il. Se défendre au plan national est déjà un sport de combat mais nous constatons aussi des intrusions de plus en plus fréquentes de puissances étrangères. »
Vulgariser par l’humour
Qu’elles soient collectives ou individuelles, professionnelles ou citoyennes, les mobilisations contre la désinformation se multiplient. Il y a quatre ans, en pleine pandémie de Covid-19, Guillaume Chorao, aujourd’hui interne en huitième année de médecine d'urgence à l'AP-HP, a choisi de combattre les fake news en publiant du contenu médical sur les réseaux sociaux. « Le ton humoristique et décalé, le fait d’être jeune ont facilité l’adhésion des followers. J’en compte 200 000 sur TikTok et 55 000 sur Instagram ». Également co-auteur du podcast Docsansblouse publié sur Instagram, il relève le défi de « vulgariser les sujets de santé tout en restant suffisamment scientifique même si la frontière est parfois complexe à définir ».
Des citoyens se sont également engagés dans le combat contre la désinformation au sein de collectifs comme « C'est vrai, ça ? », actif sur LinkedIn. « Nous confrontons différentes paroles d’experts. Notre objectif est de montrer que chacun est en capacité d’aller chercher la bonne information », témoigne Olivier, bénévole.
Face à ces dangers qui nous concernent finalement tous, le premier conseil, dispensé par Thomas Huchon, est de « se méfier de ce que l’on a envie de croire. Notre cerveau peut être notre meilleur allié et notre pire ennemi. N’oublions pas que sur les réseaux sociaux, c’est tous les jours le 1er avril ! »
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