Un « naufrage ». C’est ainsi que qualifie le président des Généralistes-CSMF l’état du système de santé, à la lecture de la lettre du Collège de la Haute Autorité de santé (HAS)*. Publiée le 31 mars dernier, celle-ci a révélé la grande inquiétude du Collège « quant à la capacité du système à dispenser des soins et à assurer des accompagnements de qualité sur l’ensemble du territoire ».
L’autorité indépendante a rappelé que 5 à 10 % des postes d’infirmiers sont vacants dans les établissements de santé et au moins 13 % des postes d’aides-soignants le sont également dans les Ehpad. A fortiori, plus d’un tiers des postes de praticiens hospitaliers ne sont pas pourvus à l’hôpital public et un tiers des Ehpad n’ont pas de médecin coordinateur.
En ville, poursuit le Collège de la HAS, près d’un cinquième de la population vit dans des territoires insuffisamment dotés en professionnels de premier recours. Plus encore, sept généralistes sur dix estiment que l’offre de médecins dans leur zone d’exercice est insuffisante, huit sur dix éprouvent des difficultés à répondre aux attentes et trois sur dix déclarent rencontrer des obstacles pour adresser leurs patients à des spécialistes.
Un manque de pertinence des soins
De même, note le Collège, de nombreux dysfonctionnements ont lieu dans la pertinence et la qualité des soins. Ceux-ci ont pour cause notamment « le manque de coopération et de coordination entre secteurs ambulatoire et hospitalier, et entre secteurs sanitaire et médico-social ; mais aussi les modes de financement qui rémunèrent l’activité plutôt que la qualité ou la pertinence des soins. » Ainsi, il faut absolument selon lui « rendre les métiers du social et du médico-social attractifs » et « donner aux professionnels les moyens de dispenser des soins de qualité ».
S’en est suivie une série de mesures nécessaires selon le Collège, comme donner plus de moyens financiers aux ARS et les rapprocher du terrain, à l’échelle des départements ; développer les téléconsultations accompagnées par un professionnel de santé dans les pharmacies ou dans les Ehpad ; augmenter le nombre de Smur de façon substantielle ; restructurer les urgences etc.
Plus d’attractivité réclamée
« La médecine libérale cumule les handicaps, car non seulement elle n’a bénéficié d’aucune aide financière pour la rendre plus attractive, mais elle souffre d’une démographie de plus en plus déficitaire, qui entraîne une activité plus importante pour les médecins, parfois au-delà du supportable », écrit le président des Généralistes-CSMF, Dr Luc Duquesnel, dans un communiqué daté du 12 avril. Les fermetures des services d’urgence entraînent un report vers la médecine libérale, déjà surmenée. Pire encore, dans les zones sous-dotées, la patientèle des généralistes libéraux est de deux à quatre fois supérieure aux patientèles moyennes des autres omnipraticiens.
Devant les propositions d’obligation à l'installation ou à la permanence des soins (PDSA), le praticien insiste sur le fait que ces mesures sont inapplicables et « détourneraient ces futurs médecins de la médecine générale ». Lui prône l’embauche d’un assistant médical à plein temps par médecin, le travail avec un infirmier en pratique avancée (IPA), l’incitation à l’exercice dans les cabinets secondaires, la facilitation du cumul emploi-retraite, la généralisation du Service d’accès aux soins (Sas), une PDSA attractive…
Le gouvernement est-il un frein ?
Au lieu d’être un facilitateur, pour le président des Généralistes-CSMF, le gouvernement « est le principal frein au développement » de ces innovations mentionnées plus haut. Les négociations à l’avenant 9 sont selon lui « l’exemple caricatural », puisqu’elles ont notamment entraîné « la faillite des projets de services d’accès aux soins alors que ceux-ci avaient pour objectif de permettre à chaque Français d’avoir accès à un médecin généraliste ».
Alors, écrit le Dr Duquesnel, « le gouvernement doit de toute urgence *changer de braquet* et faire confiance aux médecins libéraux s’il ne veut pas être le seul responsable du naufrage annoncé par la HAS. »
*Ce texte a été adopté par consensus par Isabelle Adenot, Élisabeth Bouvet, Pierre Cochat, Catherine Geindre, Cédric Grouchka, Dominique Le Guludec, Valérie Paris, Christian Saout
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