Allemagne, Grande-Bretagne et Québec : des régulations aux effets variables

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Publié le 06/06/2025
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Coercition assumée, régulation contractuelle, obligation de service : l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Québec ont tout essayé. Le succès est au rendez-vous si le « deal » passé avec les médecins inclut la promesse de meilleures conditions de travail.

Les solutions proposées pour améliorer l’accès aux soins exigent toujours des efforts importants

Les solutions proposées pour améliorer l’accès aux soins exigent toujours des efforts importants
Crédit photo : PHANIE

L’Allemagne, pays de tous les fantasmes ou exemple à suivre ? Outre-Rhin, la liberté d’installation s’est vue (en)cadrée dès 1993. Trente ans plus tard, 99,8 % de la population a accès à un généraliste en moins de 15 minutes de trajet. L’outil ? Le zonage démographique, piloté par les caisses d’assurance-maladie, qui peuvent interdire toute installation dans une zone déjà « surdotée » à 110 %. Depuis 2015, les Länder peuvent même racheter les cabinets pour les réimplanter ailleurs.

Rigide sur le papier, ce système n’en reste pas moins globalement accepté grâce à une solide culture du dialogue social. « Contrairement à la France, la profession médicale allemande est plus habituée au compromis et adhère davantage à la planification », confirme Guillaume Chevillard (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). Désertification freinée, continuité des soins : les effets vertueux sont là, même si les campagnes profondes restent en retrait. C’est la raison pour laquelle Berlin a lancé, en complément, une politique incitative de développement des maisons de santé, de la téléconsultation, d’amélioration des conditions d’exercice et de formation à la médecine rurale.

Grâce à une solide culture du dialogue social, le système allemand est globalement accepté par la profession

La Grande-Bretagne, pas si libérale qu’on le pense, a longtemps limité l’installation de ses general practitioners par un contrôle direct : le Medical Practices Committee, instauré en 1948, bloquait les ouvertures de cabinets dans les zones « over-doctored ». Supprimé en 2001, ce filtre laisse place à une régulation indirecte. Depuis, c’est le système de santé public (NHS) qui détient les clés : pas de cabinet sans contrat, attribué localement par les integrated care boards. Pour rendre les zones rurales attractives, des incitations sont mises en place : 20 000 livres sterling (23 000 euros) sur trois ans, bonifications pour les praticiens isolés, etc. La culture britannique du pragmatisme a fait du contrat, plus que de la contrainte, l’outil central de la répartition médicale. Une politique aux effets limités au regard des interminables listes d’attente qui touchent des millions des patients, et qui n’empêche pas l’effondrement du système sanitaire en raison d'un sous-investissement chronique. Élu en juillet 2024, le gouvernement travailliste est à pied d’œuvre pour sauver le soldat NHS.

Depuis un quart de siècle, tout jeune généraliste du Québec doit effectuer trois ans dans une zone désignée comme sous-dotée avant d’exercer librement. Ce dispositif, fruit d’un accord entre le gouvernement et la fédération des omnipraticiens, conditionne la rémunération à une « entente régionale ». Une contrainte bien acceptée car elle s’accompagne de primes et d’un solide soutien à l’exercice collectif. Conjugués au développement des groupes de médecine familiale, les résultats sont encourageants. Dotées en 1975 de 47 médecins pour 100 000 habitants, les régions les plus reculées en comptaient quatre fois plus (191) en 2021. Bémol : certaines zones restent désertées une fois la période obligatoire de trois ans achevée, et les contournements via les services hospitaliers ne sont pas rares. Quant à la pénalité infligée à un médecin qui s’affranchit des règles (jusqu’à une diminution de 30 % de la facturation du médecin), elle reste peu appliquée.


Source : Le Quotidien du Médecin