Entretien avec le Dr Jacques Battistoni

Assistants : « Les médecins vont craindre de s’engager », selon le président de MG France

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Publié le 24/05/2019
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300 médecins généralistes sont attendus du 30 mai au 1er juin à La Grande-Motte au congrès de MG France. Ils décideront en AG si le syndicat signera les deux avenants sur les assistants médicaux et les CPTS. Son président nous confie les enjeux de ce rendez-vous.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Qu’attendez-vous de ce congrès, à un moment charnière pour la médecine générale ?

Dr Jacques Battistoni : Nous sommes à un moment délicat. Les jeunes généralistes votent pour ou contre la médecine libérale en choisissant ou non de s’installer. Si nous n’améliorons pas rapidement les conditions d’exercice, nous aurons beaucoup de mal à combler le déficit démographique et à garantir un maillage de médecins généralistes libéraux sur tout le territoire. Nous interrogerons la ministre de la Santé, attendue à La Grande-Motte, sur ce qu’elle compte faire pour la médecine générale.

Les pressions s’accroissent sur la liberté d’installation. Cela vous inquiète-t-il ?

Dr J. B. : Oui et non. Agnès Buzyn a reconnu qu’il était trop tard pour la coercition. Si les pouvoirs publics avaient voulu y recourir, ils auraient dû le faire quand il y avait encore des médecins. Aujourd’hui, avec une telle mesure, le petit flux de jeunes qui se dirigent vers la médecine générale libérale se tarirait complètement. Ce serait une démonstration par l’absurde de l’inutilité totale de la coercition.

Le projet d’avenant sur les assistants médicaux répond-il à vos attentes initiales ?

Dr J. B. : Nous demandons depuis longtemps des assistants médicaux, mais ce projet ne cadre pas complètement avec nos attentes. MG France réclamait un dispositif simple, lisible et accessible au plus grand nombre. Or, le produit fini ne répond pas à ce cahier des charges. Il est difficile pour les médecins de savoir s’ils sont éligibles au financement d’un assistant, et surtout si les engagements qu’ils prennent sont tenables. Du fait de la complexité du système, les médecins vont peut-être avoir peur de s’engager. Par ailleurs, le financement proposé n’est pas intégral.

Quels sont vos principaux regrets ?

Dr J. B. : Nous aurions tout d’abord souhaité que les médecins puissent choisir d’avoir un assistant à temps plein ou à temps partiel, ce qui n’est pas le cas. Concernant les contreparties, une seule nous semblait acceptable et suffisante : donner l’accès à tous les Français à un médecin traitant. Or l’accessibilité d’un assistant pour un médecin est limitée aux zones sous-denses, et sous conditions. Aujourd’hui, les avis sont très partagés sur la signature de cet avenant. Notre positionnement s’effectuera aussi en fonction de l’attitude des autres syndicats. Si MG France décidait de signer seul, l’avenant ne se mettrait pas en place.

Ce qui se prépare sur les CPTS vous convient-il ?

Dr J. B. : Les CPTS sont attendues par les acteurs libéraux de la santé pour peser face aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) et être reconnus comme des interlocuteurs de soins. Pour autant, ces communautés restent un objet étrange à apprivoiser. Les médecins n’y adhéreront que si elles leur rendent service au quotidien. MG France, comme de nombreux syndicats de professionnels de santé, est disposé à construire un travail coordonné sur un territoire. Mais nous regrettons un manque évident de financement, et la clause de revoyure de cet accord dans les deux ans nous paraît indispensable.

Quelles avancées le numérique va-t-il apporter à la médecine générale ?

Dr J. B. : On le mesure encore mal, mais l’exercice des généralistes va profondément s’enrichir. Ils seront des médecins de pratique avancée, à la façon des infirmières de pratique avancée. La mise à disposition d’outils de diagnostic et de prise de décision leur permettront d’aller beaucoup plus loin dans la prise en charge. Les patients bénéficieront par exemple d’échographies ou de dermatoscopies en médecine générale. De plus en plus de praticiens s’équipent. De même, la télémédecine devrait s’inscrire à terme dans la pratique du généraliste, à côté de la consultation traditionnelle.

Le BNC des MG a peu évolué en 2017 malgré le C à 25 euros. Êtes-vous déçu ?

Dr J. B. : Un peu, mais il faut regarder le nombre d’actes réalisés. Peut-être y a-t-il eu un phénomène de régulation ? Globalement, le nombre de praticiens continue de baisser légèrement, tandis que les médecins ne peuvent travailler au-delà d’un certain nombre d’heures par jour. La balance entre les modes de rémunération évolue. Le C a été augmenté de plus de 10 %, les forfaits ont été revalorisés de façon significative. Grâce à ces derniers, les médecins s’assurent une trésorerie régulière. Il faut toutefois éviter de se dire qu’avec cette convention, les généralistes ont été servis et n’ont plus rien à attendre. On est loin de l’équité entre la médecine générale et les autres spécialités. Il faut continuer à réduire le différentiel. 

Propos recueillis par Christophe Gattuso

Source : Le Généraliste: 2874