Bouclier sanitaire, le retour ? Des députés proposent de plafonner le reste à charge en fonction du revenu

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Publié le 07/05/2024
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Des députés du centre-droit et de l’aile gauche de la majorité militent pour la création d’un bouclier sanitaire fonctionnant sur le principe d’un plafonnement du reste à charge des dépenses de santé en fonction des revenus. Une petite révolution.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Six députés Renaissance, Horizons et Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (Liot) défendent dans une proposition de loi (PPL) enregistrée le 2 mai la création d’un plafonnement du reste à charge des dépenses de santé en proportion des revenus. La PPL n’est pas encore inscrite à l’agenda de l’Assemblée.

Dans ce court texte de trois articles, les élus proposent une mécanique de bouclier sanitaire qui s’articulerait de la sorte : d’une part, les tickets modérateurs, forfaits et franchises actuels sont remplacés par un ticket modérateur « à taux unique » en médecine de ville et une franchise journalière à l’hôpital ; d’autre part, les dispositifs sociaux actuels (ALD, panier 100 % santé, complémentaire santé solidaire, etc. ), « trop complexes et aux effets notoirement insuffisants », sont supprimés et remplacés par le plafonnement du reste à charge des ménages, nommé Prac, en fonction des revenus. Ce plafonnement établi sur un an « ne peut être supérieur à un pourcentage du revenu annuel de l’assuré, fixé chaque année par le Parlement dans la loi de financement de la Sécurité sociale », lit-on. Plus précisément, « si le Prac vient à être dépassé en cours d’année, les dépenses de santé ultérieures seront remboursées à 100 % jusqu’au 31 décembre de l’année en cours ».

Le revenu de chaque assuré social serait transmis par les services fiscaux aux caisses d’Assurance-maladie, à l’instar du dispositif existant pour les allocations familiales, propose la PPL.

L’Assurance-maladie vit sous perfusion et nous approchons du point de non-retour

Jean-Carles Grelier, député Renaissance

« Les déficits prévisionnels des régimes obligatoires de base entre 2024 et 2027 ne sont couverts par aucune reprise de dette à ce stade […], les prévisions établies dans le cadre du PLFSS [budget de la Sécu, NDLR] 2024 prévoient un déficit cumulé à l’horizon 2027 d’environ 70 milliards d’euros », s’inquiètent les députés, citant le dernier état des lieux du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS). « L’Assurance-maladie vit sous perfusion et nous approchons du point de non-retour, confirme Jean-Carles Grelier, joint par Le Quotidien. Dans quelques années, au regard du poids de la dette, l’État ne pourra plus continuer à injecter des milliards à la branche maladie et personne ne s’en soucie. »

Le député fonde son approche sur les travaux de François Ecalle, fondateur du site Fipeco et spécialiste des finances publiques. Le bouclier sanitaire est l’une de ses marottes, au même titre qu’en leur temps, Martin Hirsch, Jacques Attali ou l’ancien député LR Jean-Pierre Door, auteur d’une PPL similaire.

Déséquilibre

Outre son volet économique, la PPL se veut une réponse à l’enjeu sanitaire du poids des maladies chroniques dans les dépenses de soins (63 %), qui « vont continuer d’aggraver une situation déjà très préoccupante », plaident les auteurs. Les députés estiment que, sans réforme de fond, « [l’] Assurance-maladie disparaîtra, dissolvant avec elle ses principes les plus précieux : l’universalité, la solidarité et l’équité qui sont, depuis 1945, sa marque et son identité ».

La PPL s’appuie aussi sur des données du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (Hcaam) et de la Cour des comptes. Les deux institutions ont commis des rapports qui « démontrent que la prise en charge des dépenses de santé des Français entre l’Assurance-maladie obligatoire et les Assurances maladie complémentaires tend à devenir de moins en moins redistributive, de moins en moins juste, conduisant un nombre, chaque année plus important, de nos compatriotes à renoncer aux soins faute de pouvoir assumer les coûts des restes à charge », écrivent les députés.

En conjuguant AMO et AMC, expliquent les élus, le reste à charge représente 2,8 % des revenus des Français les plus modestes et seulement 0,6 % des revenus des Français les plus aisés. « On constate une dérive qui s’est installée dans le temps, juge Jean-Carles Grelier. Aujourd’hui, les 10 % des Français les plus pauvres s’acquittent d’un reste à charge quatre fois plus élevé que les 10 % des Français les plus riches. Nous devons rétablir l’équilibre. C’est une question de justice sociale. »

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr