Dans le cadre des concertations sur l'évolution de la loi sur la fin de vie lancées l'année dernière, des débats ont été organisés par le Conseil consultatif national d’Éthique (CCNE). 245 se sont tenus entre le 1er mai 2022 et le 10 avril 2023, 80 interventions ont été réalisées par des membres du CCNE et environ ont participé 40 000 personnes dans 121 villes… La Conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux (CNERER) a livré la synthèse de ses réunions d’information et débats sur la fin de vie.
Penser la singularité des situations de fin de vie
La CNERER note que « les principaux points qui ont été soulignés par les citoyens lors de ces débats rejoignent la réflexion menée par la Convention citoyenne, avec cependant quelques nuances : ils ont davantage mis en exergue l’importance du rôle des aidants, la complexité de certains parcours de deuils, et la nécessité de penser la singularité des situations de fin de vie des personnes les plus vulnérables, telles que les personnes sans-abri (SDF). »
Les dix principaux points ayant émergé des discussions sont les suivants :
1. La Loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 est « insuffisamment connue », aussi bien par les citoyens que par les professionnels de santé. Ainsi, « les dispositions qui la composent ne sont pas toujours bien comprises, compromettant sa juste application. Trop peu de personnes savent pouvoir désigner une personne de confiance ou rédiger des directives anticipées pour faire valoir leurs volontés en cas d’accident ou au lors d‘un parcours de fin de vie », rapporte la CNERER.
2. Les périls liés à l’obstination déraisonnable « ne sont pas encore assez perçus et anticipés ». Un certain nombre de décisions médicales « contreviennent aux recommandations de bonnes pratiques et génèrent des situations insolubles, marquées par des souffrances réfractaires, et complexifiant l’abord de la fin de vie » note la CNERER. Au cours des débats, la différence entre « volonté d’atténuer une souffrance » et « volonté de supprimer toute souffrance », soit « un idéal inatteignable » a été relevée.
3. La culture palliative n’est pas suffisamment développée en France. En cause : « les inégalités d‘accès aux soins palliatifs, la possibilité tardive d’entrée dans des soins palliatifs, la présence insuffisante de professionnels formés à l’accompagnement des personnes en fin de vie et de médecins coordinateurs, les moyens associés, sont sous-déployés, en particulier au sein des Ehpad et à domicile », explique la CNERER. Une observation qui rejoint les conclusions de la Convention citoyenne pour la fin de vie, rendues fin mars.
4. Les dispositifs d’accompagnement voués à soulager les souffrances psychiques, ainsi qu’à la prise en charge des pathologies mentales et psychiatriques liées au grand âge, sont « insuffisamment développés », selon la CNERER.
5. La place des proches dans l’accompagnement des personnes en fin de vie « n’est pas toujours clairement définie ». Un certain nombre de questions ne trouvent pas systématiquement de réponses concrètes sur le terrain, regrette la CNERER : « que vaut le témoignage d’un proche quand la personne mourante ne peut plus s’exprimer ? Que peut-il faire ou exprimer pour l’accompagner ? Quelles aides peut-il recevoir, qu’il s’agisse d’un parcours de fin de vie vécue en structure hospitalière, médico-sociale ou à domicile ? »
6. Le rôle des associations « mérite également d’être précisé », afin de les intégrer « plus efficacement et harmonieusement » dans les établissements accompagnant des personnes en fin de vie, pour la CNERER.
7. Une réflexion sur l’accompagnement des personnes précaires et sans domicile fixe, en fin de vie, « doit être menée pour identifier les besoins rencontrés, les problématiques qui leur sont spécifiques », enjoint la CNERER.
8. Une réflexion quant aux modalités d’accompagnement des mineurs en fin de vie « doit être conduite pour que des réponses adaptées, mesurées, respectueuses de leur écosystème familial, puissent être apportées aux situations les plus complexes », pour le CNERER.
9. « La société doit apprendre ou réapprendre à penser la mort, à l’accepter, pour mieux la vivre et l’accompagner », écrit la CNERER, invitant à lancer « un travail de construction ou de rénovation des représentations collectives, culturelles, anthropologiques, sociales » pour « recouvrer un rapport sain à la fin de vie, la réintégrer au cœur de l’existence et en reconnaître le sens et la portée, tant au plan individuel que collectif ».
10. Enfin, un certain nombre de personnes ayant participé aux réunions ont indiqué (notamment chez les professionnels de santé dont les médecins coordonnateurs en Ehpad) « ne pas être défavorables à une évolution du cadre légal, et à une autorisation de l’aide à mourir, en soulignant que celle-ci nécessiterait une grande vigilance et un encadrement très strict, et en mettant à part le cas des mineurs et celui des personnes atteintes d’une maladie psychique ». Inversement une modification législative en faveur du suicide assisté apparaît « acceptable, notamment chez les plus jeunes (débats lycéens), le suicide assisté y étant perçu comme "ultime liberté", permettant d’abréger la durée de l’agonie et d’"entrer dans la mort les yeux ouverts" ». L’« exode forcé » vers des pays comme la Suisse ou la Belgique est quant à lui perçu comme « une atteinte à la dignité humaine ».
L'impact du Covid-19
Dans sa synthèse, le CNERER écrit également que la crise Covid-19 reste présente dans la tête des citoyens. « De façon homogène sur l’ensemble du territoire, les participants aux réunions publiques organisées ont partagé leurs réflexions et interrogations sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, en y mêlant des témoignages, ressentis, peurs, regrets, découlant directement de leur expérience de la crise Covid-19 ».
En effet, « les interdictions de visite imposées par les autorités pour limiter la propagation du virus dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux et réduire la mortalité associée, la solitude induite des mourants et des accompagnants, les restrictions qui ont bouleversé voire parfois empêché l’organisation des rites mortuaires ou les rassemblements familiaux, ont complexifié les deuils et généré de fortes souffrances psychiques qui persistent trois ans après la fin de l’épidémie Covid-19. »
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