« Chaque fois que les déserts médicaux avancent, la République recule », a introduit lors d'une conférence de presse mercredi 7 décembre le député du Parti socialiste (PS) de Mayenne Guillaume Garot, initiateur d'un groupe de travail transpartisan sur la question.
Pendant quatre mois, ces députés ont auditionné 81 personnes, issues de 38 organisations (élus, usagers, médecins, internes, professionnels de santé, etc.) Autour de lui, des élus des partis communiste (PCF), écologiste (EELV), insoumis (LFI), Les Républicains (LR), majorité présidentielle (MoDem, Horizons et Renaissance), ainsi que Libertés et Territoires (Liot). Seul le Rassemblement national (RN) n’a pas été convié.
Mécontents du PLFSS
Insatisfaits des mesures prévues pour l’accès aux soins dans le PLFSS 2023, les députés reviennent à la charge, déçus de l’utilisation – cinq fois – du 49.3 dans l’Hémicyle pour faire adopter le texte et ainsi d’un « débat sur les déserts médicaux qui n’a pas eu lieu ». Yannick Favennec-Bécot (Horizons) est allé dans ce sens, regrettant que « le gouvernement n'a(it) pas pris la mesure de (la) fronde qui gronde » chez les « oubliés et des exclus de l'accès aux soins ».
En 2022, en matière de densité, a indiqué Guillaume Garot, « il y a deux fois et demi plus de généralistes dans les Hautes-Alpes que dans l'Eure. Et le constat est plus grave encore pour les autres spécialités. On compte 18,5 fois plus d'ophtalmos par habitant à Paris que dans la Creuse… » Il y a donc selon lui « urgence à agir » face aux inégalités d’accès aux soins entre territoires et prendre « des mesures de courage politique ».
Quel degré de coercition ?
Si la proposition de loi était adoptée, médecins libéraux et chirurgiens-dentistes pourraient s'installer « de droit » dans des déserts médicaux. En revanche, ils devraient obtenir une autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) locale pour s'installer dans une zone bien pourvue. Elle serait accordée d'office s'ils remplacent un praticien de la même spécialité.
Le plus gros point de divergence entre ces parlementaires et l'exécutif réside dans ce degré de coercition. Le ministre de la Santé, François Braun, plaide pour de l'incitation. « On a tout essayé sauf la régulation », a insisté le député LR Jérôme Nury. « Cette mesure n'a jamais été mise en place. La régulation n'est pas une punition pour les médecins. Le corollaire de la liberté d'installation doit être la liberté du patient à choisir son médecin », abonde Yannick Favennec-Bécot. « Nous ne faisons pas de la coercition. Le principe reste la liberté d'installation. Mais il s'agit de mieux répartir l'installation par le fléchage », argumente Loïc Kervran (Horizons).
Quatre ans de remplacement maximum
Autres mesures proposées : un préavis de six mois pour qu'un soignant quitte une zone mal pourvue en médecins et un « indicateur national » pour flécher les installations sur le territoire (prioriser les besoins de santé pour fixer le nombre d’étudiants à former et non pas les capacités de formation). Les députés veulent aussi créer des « écoles normales des métiers de santé » dans des territoires manquant de soignants et financer des médecins salariés pour développer les centres de santé. Ils entendent également supprimer la majoration des tarifs pour les patients qui n'ont pas de médecin traitant.
Le groupe transpartisan souhaite autoriser l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le cadre de protocoles de coopération, au sein des équipes pluridisciplinaires. Comme certains sénateurs, les députés du groupe proposent de limiter à quatre ans la durée de remplacement en libéral et de rétablir l'obligation de la permanence des soins des médecins libéraux.
La quarantaine de députés a envoyé un courrier à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sollicitant l'inscription du texte lors de la prochaine semaine où l'Assemblée décide de son ordre du jour (16 janvier). À défaut, leur texte pourrait être inscrit dans une journée réservée à l'un de leurs groupes. « Nous sommes déterminés à faire entendre la voix des patients », a conclu Guillaume Garot.
Les sénateurs veulent une 4e année dans les déserts
Au Sénat, les socialistes présentaient jeudi une proposition de loi dans leur niche parlementaire. « L'ambition est d'apporter et de résoudre l'accès aux soins pour tous et partout sur le territoire français », a affirmé la rapporteure Marie-Pierre Monier (PS) lors d'une conférence de presse.
La mesure phare consiste à instaurer « une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes en fin de formation, après l’internat », a-t-elle expliqué. Cette mesure permettrait « d'avoir dès 2026 entre 4 500 et 5 000 médecins » supplémentaires. Mi-octobre, le Sénat avait déjà adopté en première lecture une proposition de Bruno Retailleau (LR) prévoyant d'allonger d'une année la formation des généralistes.
(Avec AFP)
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