Schématiquement, il y a eu deux périodes pour le remplissage des formulaires ALD ; celle où il n'était demandé que le diagnostic accompagné des arguments cliniques et paracliniques, pour qu'il puisse y avoir une responsabilité partagée entre le spécialiste qui réalise les examens de diagnostic, le généraliste qui transmet à la Sécu et le médecin-conseil qui valide ou non. Puis celle où a été rajouté le remplissage du plan thérapeutique, qui est assimilable à une mesure vexatoire envers les médecins généralistes pour qu'ils écrivent sur une copie double, des « lignes » comme à l'école, ce qu'ils doivent savoir.
Comble de la vexation, le bel outil d'aide au remplissage Clic@id fourni par la Sécu totalement inutilisable (donc qui n'a pas fait long feu) et qui a eu pour seul effet de dégoûter un peu plus les médecins de l'outil informatique. Heureusement, certains petits malins ont réalisé leur propre outil informatique, qui remplissait tout seul le formulaire en un seul clic, sauf à inscrire le minimum, c'est-à-dire le diagnostic retenu pour la demande ALD.
La simplification existe donc déjà pour ceux qui ont intégré l'utilisation à leur avantage de l'informatisation. Alors pourquoi cette mesure simplificatrice pour ceux qui ne sont pas informatisés correctement ?
Il s'agit tout simplement d'un changement de paradigme au niveau du contrôle médical. Car pourquoi surveiller manuellement et individuellement la validité d'un protocole ? À l'heure des mutuelles obligatoires et du tiers-payant généralisé, quel intérêt pour un patient d'être en ALD ? Le remboursement des transports sanitaires. Alors, en cas d'ALD indue, quelle importance pour la Sécu qu'il y ait des transports indûment remboursés ? Aucun. Certains médecins sont déjà poursuivis pour prescriptions abusives de transports sanitaires ; certains médecins sont déjà poursuivis pour prescriptions abusives d'arrêts de travail. La Sécu utilise donc l'intelligence artificielle pour opposer aux médecins un trop collectif de prescriptions, en leur faisant très peur s'ils sont incapables de se défendre avec les mêmes armes. Peu importe, sur le plan collectif qu'un transport soit justifié ou non, l'essentiel est de ne pas dépasser les objectifs définis en haut lieu.
L'intelligence artificielle est capable de définir avec précision le taux de criminalité dans chaque ville pour le futur, alors pourquoi ne pas utiliser cette arme redoutable contre les médecins ?
Avec le nombre de coronographies faites sur un territoire, le nombre de boîtes de statines ou d'anti-agrégants délivrés, et autres critères bien choisis, l'intelligence artificielle de la Sécu est capable de déterminer le nombre exact de coronariens. Alors pourquoi contrôler individuellement, si sur le plan collectif, il y a concordance du nombre d'ALD pour coronopathie ? En cas de dérapage, cette intelligence artificielle sera capable de déterminer une liste de médecins coupables potentiels ; les vrais, et les faux du fait d'un mauvais concours de circonstances. Un exemple très simple, il suffit d'avoir du jour au lendemain deux ou trois dépressifs graves en surplus pour voir sa prescription d'arrêts de travail passer du vert au rouge le plus inquiétant, surtout pour celui qui prescrit peu d'arrêts de travail. Mais l'intelligence artificielle a ses limites à la Sécu : elle ne sait pas si ce dépassement est justifié ou non.
La Sécu ne fait pas de cadeau aux médecins, elle avance dans sa logique de contrôle collectif, puis d'attaques individuelles en cas de dérapage. Elle montre seulement qu'elle passe aujourd'hui à la vitesse supérieure en supprimant ce qui ne lui sert plus à rien, et qui lui coûte, tout en faisant croire à un cadeau que nos syndicats vont vite récupérer pour s'attribuer ce succès.
Je donne donc comme conseil à mes confrères d'investir dans un outil informatique performant afin de pouvoir répondre correctement aux éventuelles attaques de la Sécu ; outil de recherche multi-critères efficace, pour par exemple sortir la liste de tous les arrêts de travail prescrit, avec nom des patients, durée, motif, courbes diverses, pour être capable de démontrer, en cas de bonne foi, que l'intelligence artificielle de la Sécu n'est pas toujours au rendez-vous.
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